Paris et Rabat filent le parfait amour depuis la normalisation de leurs relations en octobre dernier, après la reconnaissance française de la marocanité du Sahara et la visite d’Emmanuel Macron au Maroc. Depuis lors, les deux pays ont renforcé leur coopération économique. « On est passés de la pire crise en vingt ans à une véritable lune de miel », se réjouit Hamza Hraoui, fondateur du cabinet MGH Conseil, auprès de Challenges. La France a même décidé de partager son expérience en matière d’organisation d’événements sportifs avec le Maroc. Le 24 avril dernier à Maâmora, le ministre français du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, a annoncé la création d’une task force franco-marocaine pour la prochaine Coupe du monde que le Maroc organise conjointement avec le l’Espagne et le Portugal.
À lire : Sahara marocain : la France confirme
Pendant ce temps, une crise est née entre la France et l’Algérie qui n’a pas digéré la décision de Paris de soutenir le plan marocain d’autonomie du Sahara. Les autorités algériennes accusent la DGSE française de « déstabiliser » leur pays. Les tensions se sont exacerbées avec l’affaire Boualem Sansal, l’écrivain franco-algérien condamné à cinq ans de prison pour avoir critiqué le régime, et l’arrestation en France d’un agent consulaire algérien, entrainant l’expulsion par Alger de 12 agents diplomatiques français de son territoire. En vertu du principe de réciprocité, la France a réagi en expulsant également 12 agents diplomatiques algériens. « Aucune mesure d’urgence ne pourra désormais mettre fin à cette crise », estime un spécialiste des relations entre les deux pays.
Le Maroc se retrouve malgré lui au cœur de cette crise entre Alger et Paris. Les relations entre le royaume et la France se sont refroidies après l’affaire Pegasus et la réduction du nombre de visas aux Marocains, décidée en 2021. Le président Macron, qui depuis 2017 tentait en vain de se rapprocher de l’Algérie au détriment du Maroc, décide de mettre fin à cette longue crise diplomatique. Il pose les jalons. Christophe Lecourtier, nommé ambassadeur au Maroc fin 2022, jouera un rôle déterminant dans le processus de réconciliation. Dès février 2024, les premiers signes d’un réchauffement des relations se révèlent avec la réception à l’Elysée des sœurs du roi Mohammed VI. Un acte majeur qui a ouvert la voie à une série de visites officielles de ministres français au Maroc, à commencer par Stéphane Séjourné (Affaires étrangères), puis Franck Riester (Commerce extérieur), Bruno Le Maire (Economie) et la Franco-marocaine Rachida Dati (Culture).
À lire : Abdelmadjid Tebboune agacé par l’amitié “ostentatoire” de la France et le Maroc
Paris a saisi l’occasion de la Fête du Trône, le 30 juillet 2024, pour réaffirmer son soutien au Maroc sur la question du Sahara. « La France considère que le présent et l’avenir du Sahara Occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine », a écrit Emmanuel Macron dans une lettre adressée à Mohammed VI. Le choix est définitivement clair. Paris préfère resserrer ses liens avec Rabat au détriment de l’Algérie. « Nous étions en train de perdre le Maroc et il fallait sortir de ce cycle de crises, indépendamment de l’Algérie. Or, le Sahara occidental est le prisme à travers lequel les Marocains voient leur environnement », explique un diplomate. « Pour reprendre pied en Afrique, la France avait besoin de son allié marocain », renchérit pour sa part Abdelkader Abderrahmane, chercheur à l’Institut d’études de sécurité de Dakar.
Comme on pouvait s’y attendre, l’Algérie a condamné la reconnaissance française de la marocanité du Sahara, dénonçant une décision « inattendue, inopportune et contre-productive ». « Cette situation est fondamentalement différente des crises passées, La France n’est plus un partenaire avec lequel nous avons des différends sur des questions mémorielles, migratoires ou économiques. Elle a intégré le club des ennemis à l’instar du Maroc, des Emirats ou d’Israël », note un ancien diplomate algérien. Et un actuel diplomate algérien d’enchaîner : « La France s’est incrustée au milieu du terrain de tirs entre Rabat et Alger. » Toutefois, « Alger garde la porte ouverte et attend un geste fort », souligne un responsable algérien. « Avec l’Algérie, nous sommes obligés de retrouver le chemin du dialogue », indique-t-on au Quai d’Orsay. « Le calcul de Macron est qu’il peut terminer un quinquennat en étant ami avec le Maroc et pas fâché avec l’Algérie », analyse un diplomate français.