"Les mosquées fermées ! Depuis l’instauration du confinement et de l’état de siège sanitaire, le Maroc a vu ses mosquées non seulement vides, mais fermées d’autorité. C’est un événement inédit, historique", s’exclame l’historien. Mais il fait observer que sous l’angle de la modernité, on pourrait dire, quitte à être un peu provoquant, qu’au Maroc, le covid-19 n’a pas eu que des aspects négatifs. "Comme une sorte de suspension du temps religieux, provisoire certes, mais peut-être porteuse de la promesse d’un État laïc…", estime le sociologue.
Mohammed Ennaji remonte dans l’histoire pour faire comprendre à l’opinion l’importance que revêt cette décision historique. "Comme d’autres pays arabes, le Maroc a connu avant le XXe siècle, des périodes très dures de famine et d’épidémie, qui ont profondément marqué le paysage et les mentalités, affirme-t-il. Affamées et malades, les populations, dont une partie agonisait et mourait, n’avaient d’autre recours face à la pénurie chronique, à l’absence de médecine et à l’extrême faiblesse de l’État, que de prier le ciel à genoux. "À tel point que la prière est devenue un rouage capital dans la gestion de la société face aux crises".
Aux yeux du sociologue, la décision de fermer les mosquées apparaît donc, indirectement, comme une reconnaissance du fait que le religieux ne peut plus être revendiqué comme l’outil approprié de la lutte contre les fléaux qui ne seraient pas dus à la colère divine. "Le danger que représente le covid-19 à différents égards, notamment par ses répercussions sur l’économie nationale et sur l’emploi, fait sauter la crainte de fermer les lieux de culte. Et ainsi, il fait passer le religieux au second plan", a-t-il conclu.