Un Marocain témoigne : « j’étais comme un esclave »

19 décembre 2024 - 08h00 - France - Ecrit par : S.A

Arrivé à Bordeaux pour y gagner mieux sa vie, un jeune Marocain de 20 ans et d’autres travailleurs étrangers, ont été victimes de traite d’êtres humains dans une plantation de légumes dans le Lot-et-Garonne. L’affaire est jugée devant le tribunal correctionnel d’Agen.

« J’étais un jeune homme vraiment heureux, je me sentais bien, j’étais très motivé », se souvient Oussama, jeune Marocain de 20 ans, arrivé à Bordeaux en quête d’une vie meilleure. Mais une fois au domicile de son exploitante, censée l’héberger, il perd ses illusions. « Il y avait ses enfants et des ouvriers dans une maison en très mauvais état. Elle m’a emmenée dans une chambre, sale, où il y avait six personnes. Je voulais partir, mais c’était mon premier jour », raconte-t-il à franceinfo. Oussama a une charge de travail énorme. « On commençait le travail à 8 heures, sans tenue de sécurité, en short et en tee-shirt. Je travaillais tous les jours, entre 9 et 11 heures par jour, avec une température qui atteignait les 36 degrés, précise le jeune Marocain. Sans nourriture et sans argent, on décidait pour moi de ce que j’allais faire dans la journée, je n’avais aucune marge de manœuvre. »

À lire :Trafic d’humains : des Marocains jugés à Bordeaux pour exploitation d’ouvriers

À force de travailler sous fortes chaleurs, son état de santé se dégrade. « Un jour, j’ai très mal à la tête, je demande à voir un médecin, mais on me dit de dormir un peu pour aller mieux, car ici je n’ai pas le droit ». Le jeune travailleur décide de marcher plusieurs kilomètres à pied pour prendre le bus jusqu’à l’hôpital le plus proche. « Après plusieurs scanners, un médecin m’a donné un papier pour acheter des médicaments, mais je n’ai pas pu les acheter comme je n’avais pas d’argent. » Au fil du temps, les relations avec son employeur se détériorent. Oussama n’a pas le droit de visiter les alentours sur ses temps de repos. « Elle me disait : ‹Tu n’es pas en vacances ici, tu dois faire attention à la police, car si elle te voit elle te renverra au Maroc›. Cela a continué tout l’été, dans des conditions inhumaines. »

À lire :Une cheffe d’entreprise marocaine condamnée en Gironde

À en croire le jeune travailleur, l’exploitante a même menacé d’entraver l’obtention de son permis de séjour. « Sur mes temps de repos, je n’avais pas le droit de bouger. Tu es comme un esclave, tu travailles ou t’es à la maison, sinon tu retournes au Maroc ». Oussama n’est pas le seul travailleur à se trouver dans cette situation dans cette exploitation située à Espiens dans le Lot-et-Garonne. On en dénombre une vingtaine. Tous espèrent obtenir réparation lors de l’audience qui s’est ouverte ce mercredi 18 décembre, au tribunal correctionnel d’Agen. Ces travailleurs accusent la prévenue, une exploitante agricole devenue sous-traitante pour d’autres agriculteurs, de les avoir fait venir en France via des relations au Maroc.

À lire :En Gironde, des Marocains dénoncent « une vaste arnaque »

La prévenue est également accusée d’avoir exigé des familles de ces jeunes hommes de payer des sommes considérables, parfois jusqu’à 10 000 euros, pour leur offrir une chance de travailler en France. « Dans cette affaire, on parle principalement de traite d’êtres humains, le fait d’exploiter un individu pour avoir un avantage, là en l’occurrence le travail sans rémunération, précise Sylvia Goudenège-Chauvin, l’avocate d’Oussama. Ce sont des familles qui vont utiliser toutes leurs économies pour faire venir leurs enfants ici, en se disant qu’au moins, ils auront un avenir meilleur. La réalité, elle, est tout autre. »

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Bordeaux - Emploi - Immigration

Aller plus loin

Une cheffe d’entreprise marocaine condamnée en Gironde

Une Marocaine et son entreprise spécialisée dans la viticulture ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Libourne.

En Gironde, des Marocains dénoncent « une vaste arnaque »

Le procès de deux Marocains – un père et un fils – s’est ouvert mardi devant le tribunal correctionnel de Libourne. Ils sont accusés de traite d’êtres humains dans des domaines...

Trafic d’humains : des Marocains jugés à Bordeaux pour exploitation d’ouvriers

Les gendarmes de la compagnie de Langon Toulenne ont démantelé un réseau de trafic d’êtres humains actif entre la Gironde et le Lot-et-Garonne depuis 2022, et arrêté cinq...

Conditions de travail indignes : des Marocains devant le tribunal à Bruges

Poursuivis devant le tribunal correctionnel de Bruges pour avoir exploité des migrants, deux Marocains, gérants des abattoirs de poulets de Courtrai et d’Ingelmunster nient les...

Ces articles devraient vous intéresser :

Les MRE dopent le marché immobilier

Malgré l’inflation et les crises successives de ces dernières années, le secteur immobilier marocain s’est redressé en 2024. Ceci, grâce notamment au programme d’aide directe au logement qui a connu un franc succès auprès des Marocains et de la...

Le Maroc à la recherche de ses cerveaux parmi les MRE

Conscient de l’importance de sa diaspora, le Maroc accentue ses efforts pour attirer les compétences marocaines résidant à l’étranger.

Expulsions de France : autrefois protégés, ils sont désormais visés

Depuis la promulgation de la nouvelle loi « asile et immigration » en France, les expulsions sous OQTF visent désormais plusieurs catégories d’étrangers autrefois protégées par la loi.

Tourisme : le Maroc affiche ses ambitions

Lentement mais sûrement, le Maroc fait un grand pas vers la concrétisation de son ambition d’accueillir 26 millions de visiteurs d’ici 2030, avec un objectif intermédiaire de 17,5 millions de touristes et la création de 200 000 emplois d’ici 2026.

France : les étrangers en règle désormais fichés

Un durcissement du traitement administratif des étrangers, même en règle, se dessine à Nantes. Une note interne de la police dévoile une procédure inédite qui fait grincer des dents.

Ouverture exceptionnelle de la frontière entre le Maroc et l’Algérie

La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.

Le Maroc en manque d’ouvriers

Le secteur de la construction au Maroc est confronté à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. En cause, les nombreux chantiers d’infrastructures lancés dans la perspective de la Coupe du monde 2030.

Des Marocains réduits à l’esclavage dans le Lot-et-Garonne

Vingt travailleurs marocains ont été exploités dans des conditions indignes par une agricultrice du Lot-et-Garonne. Attirés par la promesse d’un contrat de travail et d’une vie meilleure, ils ont déboursé 10 000 euros chacun pour rejoindre la France.

Coupe du monde 2030 : un pari risqué pour le Maroc ?

L’organisation de la Coupe du monde 2030 par le Maroc, conjointement avec l’Espagne et le Portugal, ne suffira pas pour résorber le chômage endémique et relancer l’économie du royaume, a déclaré l’analyste économique Mohammed Jadri, alertant sur le...

La Banque mondiale analyse en détail le tourisme marocain

Le tourisme représente environ 7 % du PIB et génère plus de 500 000 emplois directs, soit environ 5 % de la population active marocaine. C’est ce qui ressort du dernier rapport de la banque mondiale sur la situation économique du Maroc.