Mohammed VI et le pari spatial marocain

20 janvier 2024 - 18h00 - Maroc - Ecrit par : S.A

Un consultant en stratégie et expert du secteur spatial explique pourquoi le roi Mohammed VI s’est lancé dans l’aventure spatiale.

« Le tremblement de terre qui a frappé la région du Haut Atlas le 8 septembre 2023 a révélé l’importance des capacités spatiales dans la réponse aux crises et catastrophes naturelles. Si les capacités mobilisées en urgence ont été internationales, avec l’activation de la charte internationale “espace et catastrophes majeures”, sur demande de l’ONU pour le compte de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, cette catastrophe a aussi rappelé l’importance de disposer de capacités souveraines tout en sensibilisant l’opinion publique aux enjeux du spatial », analyse Mathieu Luinaud, enseignant en économie à Sciences Po Paris et expert du secteur spatial dans une tribune intitulée « Pourquoi Mohammed VI s’est lancé dans l’aventure spatiale » publiée par le journal français L’Opinion.

À lire : Satellites espions : le Maroc lâche la France pour Israël

Faisant remarquer que le Maroc s’est tourné vers le spatial bien avant le puissant et dévastateur séisme, il fait savoir que le royaume a été parmi les premières puissances du continent africain en matière de développement. « C’est notamment le rôle du Centre royal de télédétection spatiale (CRTS), qui fait office d’agence spatiale nationale et de gestionnaires de la diffusion d’imagerie satellite dans le pays », dit-il, expliquant que le « pays compte une capacité souveraine en observation de la Terre grâce au double programme de satellites Mohammed-VI A et B lancés respectivement en 2017 et 2018 dont l’un est consacré aux usages militaires d’espionnage et l’autre a une vocation davantage civile. »

À lire :Le Maroc va-t-il lancer de nouveaux satellites ?

Aujourd’hui, l’industrie spatiale apparaît comme un outil efficace de développement, mais aussi de lutte contre le terrorisme en Afrique. « Sur le plan domestique et dans une économie où l’agriculture et la pêche représentent autour de 12 % du PIB, une utilisation plus intensive de la donnée spatiale offre des perspectives indéniables de gains de productivité pour le pays, avec un meilleur contrôle des semences et des ressources halieutiques dans une double perspective d’efficacité et de préservation pour le pays », assure l’auteur de « L’Industrie Spatiale » dans la collection Que sais-je ? Il ajoutera : « Les enjeux sont aussi liés à la sécurité nationale. Les besoins de surveillance du Front Polisario au Sahara occidental et des relations diplomatiques tendues avec l’Algérie voisine justifient des capacités de surveillance souveraines et qui ne sont pas étrangères au renouvellement annoncé des deux satellites espions du Royaume qui ont fait l’objet d’un nouveau contrat mi-2023. »

À lire :Le Maroc aura sa propre station spatiale

Le Maroc aurait décidé la fin de l’été dernier de confier la fabrication de son prochain satellite espion – l’Ofek-13, dernier modèle lancé par Israël – à la firme Israel Aerospace Industries (IAI), écartant ainsi le duo français Airbus Defence & Space et Thales Alenia Space (TAS) qui avaient conçu le satellite Mohammed-VI A, lancé en 2017, faisait savoir en décembre le journal français La Tribune. « Ce choix, qui peut surprendre dans sa distanciation du partenaire français historique, peut par ailleurs s’expliquer par le rapprochement récent entre le Maroc et Israël, dont la société IAI a été un bénéficiaire de premier plan, via la signature d’un accord de coopération consistant particulièrement en la construction d’un centre d’excellence à l’Université de Rabat pour y développer l’effort de R&D spatiale et la formation d’experts marocains », explique encore l’expert spatial.

À lire :Vidéo : revoir le lancement du satellite Mohammed VI-B

À cette allure, le Maroc pourrait devenir, prédit-il, « une terre d’industrie spatiale ». « La préfiguration de ce nouveau pôle d’expertise n’est qu’un des atouts dont pourrait disposer le Maroc pour devenir, à terme, une terre d’industrie spatiale. Sur le plan manufacturier, la proximité géographique avec l’Europe et la préexistence de voies commerciales faciles d’accès peut en faire un choix privilégié de localisation de sites de production offrant, entre autres, des coûts de production réduits. Cette tendance est déjà à l’œuvre dans l’industrie automobile où les grands industriels consentent des investissements colossaux dans les chaînes de production locales, leur permettant de dégager plus de marges bénéficiaires pouvant par la suite être réinvesties dans la R&D, une dynamique aujourd’hui facilitée par des accords de libre-échange qui se multiplient et des procédures administratives rapides et allégées », conclut Mathieu Luinaud.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Algérie - Mohammed VI - Sahara Occidental - Satellite Mohammed VI - A - Satellite Mohammed VI-B

Aller plus loin

Maroc-Israël : un contrat à un milliard de dollars qui passe mal

Le Front marocain contre la normalisation voit d’un mauvais œil le contrat de défense d’un montant d’un milliard de dollars signé entre le Maroc et Israel Aerospace Industries...

Le Maroc aura sa propre station spatiale

Le Maroc ambitionne de créer sa propre station spatiale. Dans ce sens, Driss El-Hadani, directeur général du Centre royal de télédétection spatiale (CRTS) s’est rendu à Abu...

Satellites : le Maroc délaisse la France au profit d’Israël

Le Maroc aurait confié son programme de lancement de deux nouveaux satellites au constructeur israélien Israel Aerospace Industries (IAI), au détriment du consortium formé par...

Satellite espion : le Maroc choisit Israël et snobe la France

La société israélienne « Israel Aerospace Industries » (IAI) présidée par l’ancien ministre israélien Amir Peretz, natif de Boujaâd (ville marocaine) livrera un satellite espion...

Ces articles devraient vous intéresser :

Visite de Macron au Maroc : Rabat contredit Paris

La visite du président français Emmanuel Macron au Maroc, évoquée par la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, dans une interview, « n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas programmée », a affirmé une source gouvernementale marocaine à...

Aid al Adha : 1 434 personnes graciées par le roi Mohammed VI

À l’occasion de à l’occasion de l’Aïd Al Adha, célébrée ce jeudi 29 juin au Maroc, le Roi Mohammed VI a accordé sa grâce à 1 434 personnes condamnées par différents tribunaux du Royaume.

Maroc : le roi Mohammed VI annonce des aides directes aux plus pauvres

Le Roi Mohammed VI, dans un discours prononcé à l’ouverture de la session parlementaire, a fait part de l’introduction d’un programme d’aide sociale à la fin de l’année 2023.

Mohammed VI, marque déposée

Le roi Mohammed VI tente de mettre définitivement fin aux tentatives d’usurpation de titre et/ou fraude. Son nom devient une marque déposée.

Le Roi Mohammed VI instaure le Nouvel An Amazigh comme jour férié au Maroc

Le Nouvel An Amazigh sera désormais un jour férié officiel au Maroc, selon une décision qui vient d’être prise par le roi Mohammed VI.

Marche verte : le roi Mohammed VI adresse un discours à la nation ce soir

Le roi Mohammed VI adressera ce lundi 6 novembre un discours à la Nation à l’occasion du 48ᵉ anniversaire de la Marche Verte, annonce le Ministère de la Maison Royale, du Protocole et de la Chancellerie.

Voici les journalistes graciés par le roi Mohammed VI

À l’occasion de la fête du trône célébrée mardi, marquant son intronisation il y a 25 ans, le roi Mohammed VI a accordé sa grâce à 2476 personnes. Les journalistes Taoufik Bouachrine, Omar Radi et Souleimane Raissouni, ainsi que les activistes Reda...

Mohammed VI : un discours centré sur les MRE

Dans son discours à l’occasion du 49ᵉ anniversaire de la Marche verte, le roi Mohammed VI a annoncé une réforme dans le mode de gestion des affaires des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Ceci, en vue de mieux répondre aux besoins de cette communauté.

Annulation des accords UE-Maroc : le Polisario jubile

Le Front Polisario a salué la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) annulant les accords de pêche entre l’UE et le Maroc, la considérant comme un « triomphe de la résistance ».

Le roi Mohammed VI renouvelle la direction de cinq grandes institutions

Du changement à la tête de cinq institutions publiques au Maroc. Le roi Mohammed VI a procédé samedi à la nomination de nouveaux directeurs généraux à l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), l’Agence marocaine pour l’énergie...