Le Maroc est malheureusement classé parmi cette seconde catégorie qui n’a à son actif que l’absence de toute stratégie en matière de production d’outils visant à faciliter le traitement systématique des questions propres à la jeunesse et la faible implication des acteurs sociaux ainsi que le manque de consultations intersectorielles à grande échelle en la matière.
Les perspectives du développement du Maroc et la réussite des changements socio-économiques dépendent des conditions de socialisation et de développement de la jeune génération, de ce fait, la mise en œuvre d’une politique publique solide en faveur des jeunes quels que soient leur région, leur statut social et matériel, leur sexe, leur éducation et la nature de leur activité, est devenue une nécessité impérieuse.
La population marocaine totalise aujourd’hui 11 million de jeunes dont la tranche d’âge se situe entre 15 et 35 ans (38% de la population totale). Aujourd’hui, la situation nationale de la jeunesse est caractérisée par des paradoxes saisissants, des disparités extrêmes en terme de ressources économiques, technologiques, sociales et culturelles qui différent considérablement selon les régions, le genre et la situation sociale de la famille.
Le poids démographique de cette catégorie est révélateur de l’importance de ses besoins en matière d’éducation et de formation, d’emploi et d’intégration dans le processus de développement. La question de la jeunesse apparaît comme un enjeu essentiel pour l’action publique, d’autant qu’on assiste aujourd’hui à une aggravation de la fracture générationnelle, renforcée par la "crise" dont les jeunes sont particulièrement victimes. La tentation peut être grande alors de la voir se renforcer dans un contexte de plus en plus mondialisé.
Dans ce cadre deux principales interrogations se posent avec acuité, à savoir d’abord, pourquoi une politique publique en faveur de la jeunesse ? Ensuite, le Maroc dispose-t- il d’une politique en la matière ?
Les jeunes rêvent d’un Maroc prospère et imaginent leur avenir rayonnant. La majorité d’entre eux aspirent à être acteurs du changement, un nombre considérable de ces jeunes possèdent, en moyens, plus d’années de scolarité que les générations précédentes. Ils ont la chance de poursuivre leurs études supérieures, cependant une grande partie de cette nouvelle génération notamment celle de la campagne est confrontée à plusieurs problèmes qui handicapent son épanouissement et son intégration socio-économique.
Malgré les avancés réalisées par l’Etat marocain pour promouvoir le rôle de la jeunesse, cette dernière reste confrontée à moult défis. Il s’agit en premier lieu de l’emploi. Au Maroc le taux de chômage a atteint 10% au terme du premier trimestre 2007 contre 9,6% à la même période de l’année 2006. Selon les donnés du Haut Commissariat au Plan, le taux de chômage s’est élevé à 15,8% en milieu urbain et à 3,8% en zones rurales. Cette hausse a touché essentiellement les jeunes âgés de 15 à 24 ans (15,9%). Pire encore, quand 61,6% de ces jeunes occupent des emplois non rémunérés. 23,2% parmi eux sont de sexe féminin et , n’étant ni à l’école ni employées, sont classées « femmes au foyer » faute de se déclarer parmi les demandeurs d’emploi.
Au problème du chômage, s’ajoute l’analphabétisme. Malgré les efforts déployés en la matière pour éradiquer ce fléau, les résultats obtenus sont en deçà des aspirations, et le niveau de l’analphabétisme demeure encore élevé. Selon les résultats extraits du dernier recensement de 2004, le Maroc enregistre un taux d’analphabétisme très élevé, qui touche 43% de la population âgée de plus de 10 ans, soit plus de 9 millions de personnes. Ce taux est estimé à 29,5% pour la tranche d’âge 15-24 ans (19,2% pour le sexe masculin contre 39,5% pour le sexe féminin). Le monde rurale enregistre toujours un taux plus élevé par rapport au monde urbain, pour la même tranche d’âge, il est respectivement de 13,5% et de 48%.
Au niveau de la formation professionnelle, la jeunesse constitue la cible principale fournie par le système aussi bien de l’Etat que des établissements privés. L’objectif est d’améliorer la qualification des jeunes pour leur intégration dans la vie socio-économique. Cependant, en dépit des progrès réalisés, ce secteur connait encore des difficultés d’adaptation à son environnement externe. Ce déficit s’explique par le taux de chômage élevé chez les jeunes diplômés.
Concernant les activités socio-éducatives et culturelles, les différents indicateurs montrent que les avancés réalisées en la matière ne sont pas encore à la hauteur des attentes des jeunes, notamment ceux de la campagne (absence des maisons de jeunes, manque d’encadrement, absence d’activités sportives et culturelles etc.).
Au niveau politique la situation des jeunes est pareille, selon une enquête de l’économiste sur les jeunes, la majorité écrasante des jeunes se désintéressent de la chose politique par simple indifférence, par méfiance ou même parfois par cynisme. Ce désintérêt se manifeste concrètement par l’abandon du droit de vote ce qui baisse encore plus leur pouvoir politique. Lors des dernières élections législatives, on a pu observer une forte abstention si ce n’est un boycottage des urnes de l’ordre de 63% de la population. Cette abstention peut aussi être assimilée à une forme de contestation passive, d’un système auquel les jeunes ne croient plus.
La situation décrite plus haut, n’est pas suffisante à éclairer les lecteurs sur la réalité de la jeunesse marocaine, d’autres habitudes sociales continuent de ravager cette jeunesse. La consommation de plus en plus accrue des stupéfiants est une autre image du malheur de la jeunesse marocaine. La drogue, qui était synonyme de misère, de quartier marginalisés et périphériques a radicalement changé pour devenir un fléaux qui touche aussi bien les pauvres que les riches, les milieux défavorisés que favorisés. Mais ce danger a trouvé un autre milieu, cette fois ci c’est l’école marocaine, ce qui pourrait détruire toutes les chances pour pallier à ce phénomène.
Devant cette panoplie de problèmes destructeurs de la jeunesse, l’immigration devient une fatalité pour les jeunes pour échapper à ce danger, du coup améliorer leurs conditions de vie. Mais c’est tout à fait le contraire qui les attend. Une discrimination ardente, l’absence de travail, un racisme de plus en plus intense...
Conscient au rôle de la jeunesse en tant que levier de changement et d’agent incontournable pour l’avènement d’un avenir meilleur, le Maroc est appelé à mener une politique publique visant à favoriser son intégration dans le processus de développement économique et social.
Cette politique permettra d’intégrer à la fois les individus (publics) et les institutions dans un champ de pratiques considérées. Au-delà du cadre strictement institutionnel et juridique, c’est le lieu où se coordonnent les actions destinées à la jeunesse.
En effet, la politique publique de la jeunesse doit être un élément fédérateur autour duquel s’articule le projet de société qui détermine la vision commune et donne un sens aux activités socio-éducatives de la jeunesse. Elle oriente la démarche globale ou la vision étatique qui s’impose sur la collectivité jeune.
Quatre grands axes d’orientations prioritaires peuvent êtres à la base de cette politique publique de la jeunesse :
• La consolidation et/ou le renforcement de l’unité nationale visant à donner aux jeunes le sentiment d’appartenir à une Nation, patrimoine et l’héritage communs à toutes les composantes du peuple marocain ;
• La valorisation des activités extra, post et péri scolaires (activités socio-éducatives et culturelles, sportives et des loisirs) ;
• L’accès au marché du travail et de l’emploi et l’amélioration de la qualité de l’insertion sociale et économique de la jeunesse ;
• La construction des infrastructures et des équipements d’animation socio-éducatifs et culturels de la jeunesse.
Ces piliers de la politique nationale de la jeunesse seront soutenus chacun par des objectifs globaux et des objectifs spécifiques desquels découlent des actions qui tiennent compte des besoins et aspirations, des difficultés et préoccupations prioritaires de la jeunesse.
Le défi pour le Maroc est de parvenir à intégrer les jeunes dans le processus de développement économique et social. Cette intégration demeure tributaire de la capacité du pays à valoriser ce capital humain à travers la satisfaction de ses besoins en terme d’éducation et de formation, de santé, de loisirs et d’emploi dans le cadre d’une politique publique cohérente et intégrée entre les différents intervenants tant au niveau des départements ministériel que des collectivités locales.
Rachid Beddaoui