« Retourne au Maroc »

Ibrahim (nom d’emprunt), joueur néerlandais d’origine marocaine évoluant à Alexandria ’66, un club de football de jeunes de 15-16 ans à Rotterdam, subit régulièrement des insultes racistes lors des matchs.

La saison dernière, Ibrahim a été insulté au moins trois fois. Lors d’un match, un adversaire lui a lancé : « Retourne au Maroc ». « Je suis né aux Pays-Bas. Tout comme ce garçon d’ailleurs. Mais il ne semblait pas l’entendre. Après le match, je lui ai encore tendu la main, mais il a refusé. Eh bien, c’est son problème, j’ai connu pire », a expliqué le joueur à Nos.nl. Lors d’un autre match, un spectateur l’a traité de « voleur de vélos ». « Apparemment juste à cause de mes origines marocaines. Quelqu’un de plus âgé, dont on s’attendrait à ce qu’il réfléchisse davantage. Dans ces moments-là, je me dis : laisse tomber, c’est lui le pitoyable, pas moi. Mais au début, on se sent quand même un peu sali. »

Plusieurs de ses coéquipiers sont également victimes de racisme sur les terrains. Milas, attaquant turco-néerlandais, a été traité de « sale étranger » par un joueur de l’équipe adverse, en plein match. « De la part de gens qui ont trente ans de plus que moi, j’attends autre chose. Les générations avant nous devraient pourtant montrer le bon exemple », a-t-il déclaré, ajoutant ne pas être surpris par ces réactions. « Je suis un garçon du sud de Rotterdam, j’ai tout vu. Même en dehors du terrain. L’autre jour, après l’entraînement, je suis allé rapidement faire quelques courses au supermarché. Quelqu’un m’a traité de « junkie de rue ». Il devrait savoir : je fais du sport sept fois par semaine, ma vie entière est faite de discipline. Cet homme ne sait rien de moi, mais il a son jugement tout prêt, uniquement basé sur mon apparence. »

Un autre coéquipier, Jay-Jay, un Néerlandais blanc, s’est fait traiter de « sale Marocain » à cause de ses cheveux bouclés et ses yeux bruns. L’équipe, dirigée par l’entraîneur Kevin et son adjoint Yusuf, compte au moins 23 joueurs d’origines diverses : des Néerlandais blancs, mais aussi des joueurs d’origine marocaine, surinamaise, antillaise, turque et même colombienne. Les joueurs reconnaissent qu’il existe ce qu’Ibtissam, une joueuse d’Elinkwijk, appelle « de la discrimination par frustration ». « Parfois, je le sens dès que j’arrive sur le terrain pour un match à l’extérieur : ça risque d’être une après-midi désagréable. Et malheureusement, j’ai presque toujours raison. Je m’en inquiète, au vu des débats politiques actuels. Les tensions sociales semblent s’aggraver, combien de temps cela va-t-il encore empirer ? », se demande Achmed, entraîneur au FC Abcoude.

Ryan, évoluant chez les U19 de ce club, a été victime d’insultes racistes et en est venu aux mains avec un joueur de l’équipe adverse. « Nous avons tous les deux étés suspendus plusieurs matchs par la KNVB. Et je comprends : dans le football, tu n’as tout simplement pas le droit d’utiliser tes poings, ça ne mène à rien. Nos entraîneurs ont bien géré la situation, j’ai même eu plus tard une rencontre avec l’autre joueur – avec les parents présents. » De son côté, Kevin, l’entraîneur d’Alexandria ’66, a récemment échangé avec ses joueurs à ce sujet. Ils entendent désormais passer à l’action. La prochaine fois qu’un des joueurs subira des propos racistes cette saison, toute l’équipe quittera le terrain. « Juste pour poser un acte fort. »