Mehdi, 24 ans, un Français "sans titre de séjour" pour l’ANPE

14 janvier 2008 - 00h20 - Monde - Ecrit par : L.A

Mehdi Aboualiten a 24 ans. Il vit dans le Xe arrondissement à Paris, chez ses parents : une mère française, un père né au Maroc qui a la nationalité française depuis "trente ans", obtenue à son mariage avec la mère de Mehdi.

Lui n’a jamais eu la nationalité marocaine. Il ne parle pas l’arabe et n’a que des papiers français qui indiquent "Mehdi Fernand Mohamed Aboualiten", en souvenir du prénom de ses deux grands-pères. Il dit qu’il se sent "jambon-beur, moitié-moitié mais quand même en majorité très Français".

Medhi alterne son activité de vidéaste avec des périodes de petits boulots. Après avoir réalisé la décoration d’une boutique de vêtements et travaillé durant un an, il peut prétendre aux allocations chômage. Le 26 décembre, sur le coup de 11 heures, il se présente à l’antenne Assedic du passage Dubail, près du canal Saint-Martin, non loin de son domicile, pour y présenter son dossier.

Problème : il a bien préparé fiches de paye, et a même son livret de famille en poche, mais a oublié la photocopie de sa carte d’identité. Il devra donc revenir. Mais, quelques jours plus tard, arrive par la Poste un courrier à en-tête de l’ANPE, que s’est procuré Rue89 :

"Vous ne remplissez pas à ce jour la (les) condition(s) pour être inscrit(e) sur la liste des demandeurs d’emploi : Vous n’avez pas présenté de titre de séjour ou de travail vous permettant d’accéder au marché du travail."

Titre de séjour ? Sur son dossier, Mehdi Aboualiten avait pourtant coché "nationalité française". Il avait bien omis de verser au dossier une photocopie de sa carte d’identité. Mais c’est bien sur la seule base de son patronyme que les services ont préjugé qu’il était étranger et donc qu’il avait besoin d’un "titre de séjour" pour travailler en France.

Lui qui n’a jamais eu d’autres papiers que tricolores est choqué ; son père, carrément outré. Même si, à 24 ans, le jeune Parisien s’estime "insulté", il confie pourtant s’être fait aux contrôles de police "pour les bronzés"... "quand ils sont bien faits" :

C’est la première fois que le jeune homme dit avoir "la preuve écrite" d’un délit de faciès, même s’il raconte, au quotidien, "les contrôles de police" et les taxis qui le snobent lorsqu’il les hèle la nuit.

Pour l’heure, le demandeur d’emploi n’a pas encore répondu au courrier du 27 décembre. Contacté par Rue89, le service de presse de l’Unedic n’avait pas donné suite à nos sollicitations mardi après-midi.

Mais, côté syndicats dans les services publics de l’emploi, on note qu’on franchit ici "un nouveau pas très inquiétant". Au SNU-ANPE, Sylvette Uzan-Chomel estime peu probable que le courrier envoyé à Mehdi Aboualiten relève de consignes explicites, et songe davantage à "une initiative individuelle". Elle dénonce toutefois "le résultat d’un climat général qui incite au zèle".

Rue89 - Chloé Leprince

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Sujets associés : Racisme - Emploi - Immigration

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