Violences policières : Bavures au faciès

18 avril 2005 - 08h37 - France - Ecrit par :

C’est un constat qui n’est pas nouveau : la couleur de peau des plaignants est une donnée récurrente dans les bavures policières examinées par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), présidée par Pierre Truche. Il y a un an, l’ancien président de la Cour de cassation s’était lui-même dit « frappé par la couleur de peau et la fréquence statistique de personnes étrangères et ou ayant des noms à consonance étrangère »parmi les victimes de violences policières, et avait promis que la CNDS travaillerait sur ce point.

Progression.
Pierre Truche a tenu parole : dans le rapport annuel qu’il dévoilera ce matin et que s’est procuré Libération, la CNDS publie une étude réalisée sous la direction de Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherches au CNRS, à partir de 36 dossiers enregistrés entre 2001 et 2004 et mettant en évidence une discrimination. Ce rapport annuel est également marqué par une nouvelle progression du nombre de dossiers examinés par la CNDS. En 2004, la commission a été saisie de 97 dossiers contre 70 en 2003, soit une hausse de 38 %. La très grande majorité des saisines concerne des fonctionnaires de la police nationale et de l’administration pénitentiaire.

Les portraits-robots des victimes de bavures et des fonctionnaires mis en cause sur quatre ans dans des cas de discrimination sont sans surprise : d’un côté, des jeunes issus de l’immigration maghrébine et africaine et résidant dans des banlieues défavorisées de la région parisienne ; de l’autre, des policiers âgés en moyenne de 25 ans et rarement originaires de la région où ils interviennent. 64 % des plaignants sont de nationalité française. « La plupart d’entre eux ont un nom ou une apparence physique qui laissent entendre une origine maghrébine ou moyen-orientale. »

L’étude rassemble ainsi les arguments des associations humanitaires et des syndicats de policiers quand ils dénoncent les idées reçues qui nourrissent l’hostilité et la méfiance de part et d’autre dans les banlieues : « Nombre d’agents ont le sentiment, sur leur lieu de travail, d’être dans un endroit étranger et hostile, ce que de nombreux plaignants confirment en déclarant les percevoir comme étrangers au corps de leur cité. Tantôt le policier est considéré comme l’élément venant de l’"extérieur" dans les quartiers réputés sensibles, tantôt c’est le "jeune issu de l’immigration" qui est ainsi perçu dans les quartiers neutres ou résidentiels. »

« Joutes »
A l’origine de l’intervention policière, il y a souvent le même motif : « Des contrôles d’identité à titre préventif, parfois à l’occasion de regroupements de jeunes et de tapage nocturne. » L’étude a décortiqué la suite du processus : « Des joutes "viriles" s’ensuivent, avec échanges d’insultes se concluant souvent par des procédures d’outrage et de rébellion, le recours fréquent à la force, parfois l’utilisation d’armes de service réservées à un usage défensif [...> Très souvent, on a le sentiment que les incidents auraient pu être évités. »

Le « sentiment d’impunité » est aussi une cause importante de dérapage, selon la CNDS, et il « encourage les agents à se délier de leurs devoirs déontologiques envers certaines catégories de la population ». Les interpellés « ne sont pas perçus comme des citoyens ordinaires, indépendamment de leur appartenance supposée à un groupe ciblé comme groupe à risque ». Pourtant, souligne la CNDS, il y a parmi les interpellés des acteurs de la vie locale, des cadres et des artistes. Dans ce contexte, les actes racistes sont « minimisés », « couverts au nom de la solidarité entre collègues ».

Dans ses conclusions, l’étude de la CNDS note, entre autres : « Une fracture s’établit, pouvant amener des citoyens à pouvoir douter de vivre dans un Etat de droit s’ils ne sont pas traités comme tels. »

Jacky DURAND - Libération

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