Du droit de vote au CSCME : que reste t-il de nos espoirs ?

26 mars 2007 - 00h47 - Maroc - Ecrit par : L.A

Les MRE ont caressé pendant de longs mois l’espoir d’exercer pleinement, dès 2007, leurs droits politiques dans le cadre d’une représentation parlementaire et d’un CSCME. Plus d’un an après que reste t-il de cet espoir ? Beaucoup et peu de choses à la fois : la perspective et la promesse d’un CSCME et un processus de consultation censé traduire cette promesse dans les faits.

C’est indéniable. Nous avons tous été, à un moment ou un autre de cette histoire mouvementée, semée d’embûches, que traverse la question de la représentativité, saisis par le doute et la colère. La décision du 16 juin 2006 a semé le trouble dans les esprits, sans doute parce que les raisons invoquées pour annuler la participation des MRE aux élections législatives de 2007 n’ont convaincu personne. De même, les rumeurs qui ont filtré de toutes parts brandissant le spectre de la menace islamiste qui pèserait sur le processus électoral, n’étaient pas de nature à nous rassurer ….

Toutes ces reculades, ces rumeurs, ces déclarations et décisions parfois contre nature, n’ont fait qu’alimenter la méfiance et la suspicion. Pire, elles ont poussé nombreux d’entre nous du « côté obscure » de la force. Ceux qui ont hâtivement épousé la vision de Chanfort , qui écrivait que « L’espérance n’est qu’un charlatan qui nous trompe sans cesse… », sont allés grossir les rangs de ceux qui ont préféré fleureter avec Dante qui rappelait aux damnés cette inscription qui, selon lui, est placée sur la porte de l’Enfer : « abandonner toute espérance, vous qui entrez » (dictionnaire, PR 1.p.690). Seuls les plus confiants d’entre nous ont choisi d’attendre patiemment une lueur d’espoir, une petite étincelle qui ferait renaître de nouveau dans nos rangs l’espoir et son pendant la confiance.

Parlons donc un court instant de l’espérance et ses corollaires, la confiance, la conviction, la croyance et la certitude. C’est un fait. Nous croyons tous aujourd’hui à un Maroc juste qui n’exclut aucun de ses enfants du processus de modernisation et de démocratisation dans lequel il s’est fermement engagé. Nous sommes tous convaincus que la volonté de SM le Roi de rendre aux MRE l’exercice (interrompu en 1992) de leurs droits politiques est inébranlable. Continuer aujourd’hui à croire en cette promesse et accepter de participer à ce processus consultatif, en dépit de toutes les déceptions, n’est ce pas la preuve de la maturité politique des MRE et de leur sens aigu de la responsabilité ?

Il n’est donc pas interdit de dire aujourd’hui que le processus de consultation lancé par le CCDH a fait renaître l’espoir perdu et le rêve interrompu en juin 2006. Car ce processus, qui n’est certes qu’à ses premiers balbutiements, a déjà remis les pendules à l’heure ; l’heure de la consultation, du respect et du dialogue direct et franc.

C’est vrai, et nous l’avons constaté récemment à Paris (le 17 mars), en présence de membres du groupe de travail (Mme Khadija Arib, Driss el Yazami, Mohamed Soual, Mutapha Belbah et Mouloud Chajia), que beaucoup de questions restent en suspens et qu’un effort d’explication et de communication s’impose afin de dissiper les malentendus et les confusions qui font légion.

C’est surprenant. Même la nature, le cadre et l’étendue de la mission du CCDH ne semblent pas encore bien compris par tous. C’est sans doute la raison pour laquelle on demande tout et son contraire au groupe du travail. A la limite cela fait partie des règles du jeu du débat, de la démocratie participative et du principe de la transparence. Mais que de perte de temps et d’énergie.

Bien entendu, nous pouvons, car nous avons le droit de rêver et même de délirer, demander à Salah Din al ayyûbi de revenir sur terre pour libérer Jurézalem et Bagdad. Nous pouvons, pourquoi pas, demander à Bouygues de déplacer la tour Eiffel à Marrakech pour nous permettre d’atteindre nos 10 millions de touristes en 2010. Nous pouvons aussi exiger du CCDH, au nom de la parité et de la légalité absolues, de nous « fabriquer » un modèle de CSCME qui assurerait d’une manière parfaite une représentation incontestable qui accorde les mêmes droits et le même quota dans le CSCME, aux sahraouis, aux mosquées, aux MRE handicapés, aux MRE noirs, aux MRE du Rif et de l’oriental, aux MRE berbères du Sud et aux MRE arabes du Centre, aux femmes (blondes et brunes) et aux hommes (gros et minces), aux jeunes issus de l’immigration et aux immigrés âgés, aux juifs marocains, aux sportifs MRE, aux épiciers MRE et aux intellectuels MRE. Aucun MRE ne doit être oublié et aucune tête ne doit dépasser. Autrement, on conteste et on boycotte….

Mais, billahi, sommes nous encore, en exigeant tout cela et de cette manière là, dans le domaine du raisonnable et du possible ou dans celui du rêve et du délire absolu ?

C’est certain. Nous avons tous notre petite idée et notre petite ou « grande » recette pour créer ce CSCME. Mais, ceux qui prétendent détenir la recette miracle qui permettrait de répondre à toutes les attentes et à toutes les exigences de 3 millions de MRE se leurrent et trompent leur monde.

Les différentes rencontres du groupe du travail avec les membres de la communauté, en Hollande ou en France, ont bien montré l’état d’esprit qui prime en ce moment chez certains : moi ou le déluge. Ces mêmes rencontres ont également révélé le fossé qui existe entre deux extrémités : d’un côté une vision idéale et idéalisée d’un CSCME irréprochable et de l’autre une réalité complexe beaucoup plus difficile qu’on ne le pense. Car, en effet, entre dire et faire, entre le souhaitable et le possible, il y a la méditerranée.

Comment donc le CCDH pourra t-il réduire dans un temps si court cette distance énorme entre le souhaitable et le possible, entre ce qui relève du faisable et ce que nous avons tendance à considérer comme l’idéal absolu à atteindre ?

De quelle manière le CCDH pourra t-il, dans le cadre de cette mission difficile, concilier l’inconciliable, ménager toutes les susceptibilités, écouter tout le monde ?

En réalité, nous savons tous qu’il n’est pas possible, car il serait dommageable, de mettre dans la même barque la chèvre, le chou et le loup. Nous savons tous également qu’à force de chercher à atteindre la lune (un CSCME parfait) nous risquerons de passer à coté de l’essentiel et gâcher une si belle opportunité. Aujourd’hui, Il est plus pertinent et plus profitable pour les ONG et les MRE de choisir le parti de la contribution utile et du soutien actif, afin d’enrichir ce processus de consultation d’idées et de propositions sérieuses et objectives. C’est de cette manière- là que le CCDH pourra se forger une idée juste de la situation, atteindre ses objectifs et favoriser l’avènement d’un CSCME à la hauteur de nos espérances. De même, il ne serait ni inconvenable ni discourtois à son égard (CCDH) de demander à ces mêmes ONG et MRE de suivre avec une attention particulière et un œil vigilant son travail et ses conclusions.

En effet, instaurer entre le CCDH et les MRE un climat de confiance, favoriser le débat et exercer une liberté d’expression dans les temps qui courent ne peuvent être finalement qu’une manière intelligente de maintenir le cap. Ce cap qui a été fixé par SM le Roi à deux reprises en 2005 et 2006 et qui au fond justifie la mission actuelle du CCDH.

Finalement, j’ai le ferme espoir que le CCDH réussira cette mission et honorera ses engagements grâce à l’aide des MRE, à la mobilisation et la participation de leurs ONG les plus sérieuses, cela va de soi…

Mohammed Mraizika

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