Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.
D’un blanc éclatant, haut de deux à trois mètres, plus par endroits, le mur s’étire à l’intersection de la rue Bani-Aarouss et de l’avenue Imam-Malik. Comment croire que cette grande enceinte, située en bordure de la route des Zaërs, l’avenue résidentielle prisée par les ambassades étrangères à Rabat, soit « inconnue » de la police et des autorités judiciaires marocaines ?
Déraisonnable, l’argument est révélateur. Il montre que, quarante ans après l’assassinat de Mehdi Ben Barka, l’opposant marocain, figure mythique du tiers-mondisme, ce dossier dérange toujours du côté de Rabat. Deux ans après son intronisation, le roi Mohammed VI s’était pourtant engagé à aider l’enquête. « Si on savait exactement ce qui s’est passé à l’époque de la disparition et où se trouve la dépouille, il n’y aurait pas toutes ces spéculations. Je ne sais pas ce qui s’est passé », avait affirmé le souverain en 2001. En ajoutant : « Je suis prêt à contribuer à tout ce qui peut aider la vérité. »
Polémique
Affaire d’Etats, qui ébranla le régime gaulliste et reste emblématique des pires années du règne de Hassan II, l’enquête sur ce meurtre est pourtant sujette à polémique dans le royaume. Mardi, le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaa, s’est indigné dans une interview à Aujourd’hui le Maroc, un journal reflétant occasionnellement les points de vue des services de sécurité, du « comportement » du juge d’instruction français Patrick Ramaël. En charge du dossier, celui-ci s’est rendu la semaine dernière au Maroc dans le cadre d’une commission rogatoire internationale (CRI) pour auditionner une vingtaine de fonctionnaires et militaires, en activité ou à la retraite, et visiter un ancien centre de détention secret, le PF3.
C’est précisément ce « Point Fixe 3 » qui, pendant les années de plomb, se trouvait à la place du fameux mur d’enceinte de la route des Zaërs, érigé en 2001 autour de cette prison désormais abandonnée. C’était le temps où des opposants et des militaires accusés d’avoir organisé ou participé à un putsch contre Hassan II, disparaissaient à Tazmamart, à Derb Moulay Chérif ou au PF3. La dépouille ou au moins la tête de Mehdi Ben Barka pourrait y avoir été enterrée, ainsi que les corps de nombreux « disparus ».
Discrétion
Aujourd’hui, police et justice marocaines n’ont visiblement pas envie que le juge français y mette les pieds. « Impossible à localiser », ont-elles affirmé sans rire. Tout semble d’ailleurs indiquer que Rabat ne voyait pas arriver Patrick Ramaël avec enthousiasme. Une première visite avait été déplacée pour cause de « pèlerinage à La Mecque » de personnes concernées par la CRI. Le 26 novembre, veille de son départ convenu au cours d’une rencontre à Paris avec Jamal Serhane, son homologue marocain , le juge apprenait que les autorités judiciaires marocaines tentaient de faire annuler sa mission. Il s’est néanmoins envolé pour Rabat.
« J’ai été surpris d’apprendre qu’il avait caché à la police des frontières sa qualité de magistrat à son arrivée au Maroc, se faisant passer pour un exploitant agricole [...]. Il ne pouvait en outre faire fi de son devoir de réserve », s’est scandalisé Mohamed Bouzoubaa. « Souci de discrétion que ses homologues marocains lui avaient d’ailleurs recommandé », a répondu une source judiciaire française, en précisant que le magistrat possède réellement une exploitation agricole familiale. Connu pour sa discrétion et sa persévérance, Patrick Ramaël refuse catégoriquement, lui, d’entrer dans la polémique.
Obstruction
Dès le 28 novembre, lendemain de son arrivée au Maroc, celui-ci s’est, quoi qu’il en soit, rendu à la cour d’appel de Casablanca, où les difficultés se sont multipliées. « Nous n’avions pas les adresses des personnes figurant sur la liste des témoins à interroger », explique le ministre, reprenant à son compte les explications avancées par la police et le juge Serhane pour faire obstruction aux auditions ou à la visite du PF3. Des explications bien peu crédibles s’agissant notamment... de l’actuel chef de la gendarmerie, le général Benslimane, ou de l’ex-patron des services de sécurité, le général Kadiri. La remise par le magistrat français d’un plan du PF3, ainsi que les adresses de trois des témoins, ne débloquera pas la situation.
Un mois après l’inauguration d’une place Mehdi Ben Barka à Paris, un déplacement d’une semaine n’aura ainsi permis d’entendre ni des responsables marocains dont la fonction à l’époque des faits permet de penser qu’ils peuvent aider l’enquête ni deux personnes ayant participé à l’assassinat : Chtouki, alias Miloud Tounzi, l’organisateur présumé du rapt, qui, ironie, demeure à 200 mètres de l’avenue Ben-Barka à Rabat ; ou l’infirmier El-Hassouni.
« Médiatisation accusatrice », déplore le ministre marocain dans une allusion aux déclarations de l’avocat de la famille Ben Barka dénonçant les obstacles mis par Rabat et qui sont censées reproduire les propos du juge Ramaël. Une « médiatisation » relative, puisqu’elle n’empêche pas Aujourd’hui le Maroc de publier une photo du magistrat français qui n’est pas la sienne ! Alors que Mohamed Bouzoubaa réaffirme « la volonté politique au plus haut niveau de faire la lumière », trois questions demeurent. Lancinantes. Qui a tué Mehdi Ben Barka ? Comment ? Où est son corps ? Nul doute que ce dossier sera évoqué au cours de la visite, aujourd’hui et demain au Maroc, de Pascal Clément, le ministre français de la Justice.
José Garçon - Libération
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