« Le passage du canal de Panama est devenu lui aussi compliqué. Aujourd’hui, les tensions géopolitiques sont telles qu’elles peuvent amplifier un mouvement que l’on avait déjà commencé à observer, celui du basculement des chaînes d’approvisionnement. Certains industriels européens pourraient ainsi choisir de transférer leur production asiatique vers d’autres pays plus proches, comme la Turquie ou le Maroc », analyse l’économiste Pierre Cariou dans un entretien accordé à l’hebdomadaire français L’Express.
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La dangerosité du détroit de Bab al-Mandab a poussé six géants du transport maritime à savoir le Français CMA-CGM, le Danois Maersk, l’Allemand Hapag-Lloyd, l’Italo-Suisse MSCv, le Taïwanais Evergreen et le Coréen HMM à suspendre le passage de leurs navires en mer Rouge jusqu’à nouvel ordre. « Aujourd’hui, c’est la géopolitique qui perturbe le canal de Suez, par lequel transite entre 10 % et 15 % du commerce maritime mondial, note Pierre Cariou. Surtout, 60 % à 80 % des importations européennes empruntent cette voie. C’est par elle que passent le pétrole, le charbon, le minerai de fer, les produits semi-manufacturés et finis ».
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Si cette situation contraint les armateurs à dérouter leurs embarcations vers le cap de Bonne-Espérance, en Afrique du Sud, cette solution n’est pas sans conséquence sur leur activité. Le temps de trajet en mer sera rallongé de 10 jours. « Au-delà des questions de sécurité des marins et d’assurance, cet itinéraire alternatif aura des impacts sur la chaîne logistique. Dix jours supplémentaires, pour des marchandises qui partaient de Chine à destination de l’Europe, cela veut dire 45 jours de navigation au lieu de 35. Or, un navire en mer coûte environ 60 000 dollars par jour : il faut donc compter 600 000 dollars de plus », explique le spécialiste du transport maritime.
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Il poursuit : « À l’échelle d’un gros porte-conteneurs, cette somme n’est pas insurmontable. D’autant qu’en évitant le canal de Suez, ces navires économisent les droits de passage, d’un montant à peu près équivalent. Mais ce détour occasionne des dépenses supplémentaires en carburant, un poste qui représente la moitié du coût de transport ». Cette situation pourrait produire un impact négatif sur le prix final. « Les importateurs vont vouloir sécuriser leurs approvisionnements et les armateurs pourraient être tentés d’en profiter, en augmentant leurs tarifs de 20 % quand leurs coûts ne progressent que de 10 % », explique encore l’économiste français.