« J’ai eu l’autorisation de ma hiérarchie de cumuler les deux postes pour être près des malades, des soignants civils et militaires. Ces derniers – dont certains sont musulmans, ou pas – avaient aussi besoin de parler. Ils avaient l’habitude d’intervenir sur des terrains de conflits, mais n’étaient pas prêts à affronter une telle pandémie. Ce n’étaient pas des blessés de guerre qu’ils côtoyaient, mais des malades en détresse. D’autant que la première vague a surgi en même temps que la période du ramadan. Nous avons organisé des repas pour les soutenir, apporté des douceurs aux équipes médicales que nous côtoyions », confie-t-elle au journal L’Alsace.
Hanane Lamouri a dû faire face à un nombre important de décès dans la communauté musulmane. Elle raconte qu’il n’était pas possible d’organiser les rapatriements des corps dans les pays d’origine, et que les toilettes n’étaient pas autorisées, ni les visites des familles aux défunts. « C’était très compliqué, dit-elle. Nos traditions n’étaient pas connues de tous. Nous avons convenu que la prière des morts, la « janaza », soit dite au cimetière. C’était important ».
La jeune femme se souvient de l’un des nombreux moments forts. Il s’agit du décès d’un chibani, un immigré maghrébin de la première génération emporté par le Covid-19. « Il est mort seul dans sa petite chambre, à Mulhouse ». La jeune femme s’est posée en médiatrice. « Grâce aux pompes funèbres, j’ai pu contacter sa grande famille en Algérie. Pour ses proches, il n’était pas mort. Ils n’ont pas de suite compris qu’il n’était pas possible de rapatrier le corps. J’ai filmé au cimetière la prière prononcée par l’imam devant le cercueil de cet homme, afin de transmettre ce moment à sa famille », raconte l’aumônier musulman.
La jeune femme dit garder « un souvenir formidable » de l’aumônerie mulhousienne. Des groupes de parole ont été constitués au niveau de l’aumônerie musulmane du Grand Est. « Le transfert des informations entre nous se faisait sans problème. Les responsables catholiques ont mis à disposition un lieu dans la chapelle, pour que les musulmans qui le désirent, puissent prier et c’est toujours le cas », relate Hanane.
Et de poursuivre : « À Strasbourg, ma collègue protestante Annick Vanderlinden, a été pour moi un rayon de soleil, avec toujours de belles paroles. Avec le grand rabbin de Strasbourg Harold Weill, qui intervient aux HUS, nous entretenons des dialogues religieux et surtout des relations de confiance. Il y a de plus en plus de couples mixtes et la dimension interreligieuse a un sens certain entre aumôniers. Avec les non-croyants, la discussion est essentielle, hors de toute considération religieuse. »