En soutien au mouvement GenZ212, une soixantaine de personnalités marocaines, dont des universitaires, des écrivains, des journalistes et des défenseurs de droits humains, ont adressé une lettre ouverte au roi Mohammed VI, invitant le Souverain à « agir en profondeur » pour garantir « dignité, liberté, justice sociale » au peuple marocain et à sa jeunesse.
« Nous sommes un groupe de filles et fils de cette nation. Nous nous adressons à vous parce que vous détenez l’autorité ultime, et donc la responsabilité ultime dans ce pays. Le peuple du Maroc souffre, sa jeunesse le crie dans les rues avec force depuis dix jours. Jusqu’à présent, la réaction des autorités a été la répression et les arrestations par centaines. Des actes de violence, regrettables mais prévisibles, s’en sont ensuivis, dont certains ont causé des morts. L’heure est grave, et il est de notre devoir de vous parler avant qu’un engrenage fatal, à Dieu ne plaise, ne mène notre pays vers l’inconnu », ont indiqué d’entrée les signataires de la lettre publiée sur le site Change.org.
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Ils rappellent dans leur note que « la jeunesse du Maroc, cœur battant de notre société, réclame une réforme de la santé et de l’éducation – et au-delà, de la gouvernance. Ces revendications, soutenues par l’ensemble du peuple, sont légitimes. Elles réclament une réponse concrète, profonde et d’ordre politique. Seule une réponse de ce type pourra apaiser les tensions, ramener la raison et redonner espoir. Les jeunes de la génération Z réclament la chute du gouvernement d’Aziz Akhannouch. » Les signataires expriment leur soutien aux jeunes manifestants sur ce point. « Nous ne pouvons que les soutenir dans cette revendication, qui devra être mise en œuvre par les moyens constitutionnels adéquats », affirment-ils, soulignant que « ce qui est réellement nécessaire, c’est de traiter les causes profondes et structurelles de la colère qui secoue notre pays. »
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Pour ce faire, des actions doivent être menées suivant trois axes essentiels à savoir : « la moralisation du pouvoir, qui exige une lutte sincère et efficace contre la corruption, l’économie de rente, le clientélisme et la collusion entre l’argent et l’autorité ; les priorités de l’État, qui doivent être centrées sur les besoins essentiels du peuple – l’éducation, la santé et la création d’emplois – au lieu de persister dans les dépenses somptuaires telles que le plus grand stade de football du monde, les trains les plus rapides d’Afrique, etc. ; et la crédibilité des institutions, qui ne peut être restaurée qu’en liant rigoureusement l’exercice effectif du pouvoir à la responsabilité politique face au peuple – et le cas échéant, la responsabilité pénale face aux tribunaux. »
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À moyen et long terme, les signataires estiment « indispensable que le Maroc s’engage dans ces voies de réforme avec détermination. » À court terme, ils demandent aux autorités de « convaincre les Marocain·e·s, génération Z en tête, de la réalité et du sérieux de cette détermination » par « des actes palpables ». Dans cette optique, ils invitent le roi Mohammed VI à « présenter, au nom de l’État, [ses] condoléances aux familles des victimes de ces derniers jours et [s]’engager à ce que des enquêtes sérieuses et transparentes sur ces drames soient diligentées, et que les responsables rendent des comptes. » Ils demandent aussi au Souverain de renforcer les droits humains en libérant « tout·e·s les détenu·e·s du mouvement GenZ212 et de tout·e·s les autres prisonnie·ère·s politiques et d’opinion au Maroc, à commencer par ceux du Hirak du Rif » et en promouvant la liberté de presse et d’expression.
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Les signataires recommandent aussi au monarque de « lancer un processus de réforme constitutionnelle qui consacre (réellement, cette fois) la souveraineté démocratique du peuple, les libertés fondamentales et la séparation des pouvoirs » et d’« ouvrir un dialogue national pleinement représentatif, visant à réexaminer les priorités économiques et sociales du Maroc et les moyens de les mettre en œuvre […] et de réorienter les budgets ainsi dégagés vers la santé et l’éducation publiques. » Et de conclure : « Notre espoir est immense qu’en prenant ces mesures, vous ouvriez, après vingt-six ans de votre règne et alors qu’une nouvelle génération émerge, la voie vers une réconciliation réelle de toutes les filles et fils de ce pays – une voie qui garantisse à tous ce que nos jeunes scandent dans les rues depuis dix jours : dignité, liberté, justice sociale. »