Maroc : 600 à 800 avortements clandestins par jour

16 juin 2019 - 19h30 - Maroc - Ecrit par : Bladi.net

Au Maroc, les interruptions de grossesse sont passibles d’une peine de prison. Pour preuve, six personnes sont jugées, actuellement, à Marrakech, pour des IVG clandestines.

Le quotidien français, "Le Monde", qui a enquêté sur le sujet, rappelle que l’avortement n’est autorisé au Maroc que si la vie de la femme enceinte est en danger. Toutes celles qui s’y engagent, en passant outre ce critère formel, sont soumises à la rigueur de la loi qui prévoit la prison ferme.

Malgré cela, l’Association marocaine contre l’avortement clandestin (AMLAC) affirme qu’entre "500 à 800 interruptions de grossesse sont pratiquées illégalement tous les jours dans le Royaume". Ces avortements, signale-t-elle, sont pratiqués, pour la plupart du temps, par des "herboristes" ou par des "faiseuses d’anges" ou, encore, "sous le manteau, dans les cliniques et dans les cabinets privés de gynécologie". Un tableau, sans doute préoccupant, qui renseigne, à bien des égards, sur la gestion difficile du phénomène par les pouvoirs publics.

La gynécologue Touria Skalli, Députée du Parti du Progrès et du socialisme (PPS), semble d’ailleurs confirmer le phénomène. Selon elle, "par manque de statistiques officielles, il est difficile d’avancer des chiffres" sur la question. L’élue du PPS dit porter une proposition de loi sur "l’interruption médicalisée de la grossesse" (IMG), autorisée en cas de viol, d’inceste, de handicap mental ou de malformation très grave du fœtus. Cependant, se désole-t-elle, cette proposition est encore bloquée au Parlement. A en croire l’élue et spécialiste de la question, "la mortalité maternelle ou les complications ne sont pas rares, liées qu’elles sont à des blessures de l’utérus, à des hémorragies internes ou à des infections dues à des méthodes artisanales, moins chères qu’un avortement médical". La preuve, sans doute, de l’urgence de la question.

D’après "Le Monde", 4000 dirhams, soit l’équivalent de 644 euros, suffiraient pour un avortement, par aspiration, dans l’un de ces cabinets de gynécologie, qui bâtissent leur réputation, en toute clandestinité, grâce au "bouche-à-oreille". Le quotidien cite, à cet effet, le témoignage de Meriem, jeune femme marocaine choquée par ce prix hors consultation.

Chafik Chraïbi est gynécologue. Fondateur de l’AMLAC et militant de longue date pour la légalisation de l’Interruption volontaire de grossesse (IVG), il précise que la plupart des avortements, au Maroc, se font par aspiration et non par voie médicamenteuse, contrairement aux pays où c’est légal. "Les médecins préfèrent l’aspiration qui rapporte plus d’argent et qui leur assure d’avoir retiré l’embryon", explique-t-il.

Pour une autre gynécologue ayant requis l’anonymat, l’ampleur que connaît le phénomène de l’avortement est dû au manque de connaissance des jeunes femmes, en matière de moyens de contraception. Cependant, il faudra aussi insister sur l’éducation sexuelle, appuie-t-elle.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Femme marocaine - Avortement

Aller plus loin

Le débat sur l’avortement relancé au Maroc

Une nouvelle proposition de loi sur l’avortement a été soumise il y a quelques jours au Parlement par le groupe du PPS. Elle entend non seulement réformer la loi sur...

Avortement médicalisé : voici la proposition du CNDH

Le Conseil national des Droits de l’homme (CNDH) se prépare à présenter cette semaine au Parlement et aux groupes parlementaires des deux Chambres un Mémorandum des amendements...

Ces articles devraient vous intéresser :

Rapport inquiétant sur les violences faites aux femmes marocaines

Au Maroc, les femmes continuent de subir toutes sortes de violence dont les cas enregistrés ne cessent d’augmenter au point d’inquiéter.

Le Maroc confronté à la réalité des violences sexuelles

Les femmes marocaines continuent de subir en silence des violences sexuelles. Le sujet est presque tabou au Maroc, mais la parole se libère de plus en plus.

Maroc : crise du célibat féminin

Au Maroc, le nombre de femmes célibataires ne cesse d’accroître, avec pour conséquence la chute du taux de natalité. Quelles en sont les causes ?

Ramadan et menstrues : le tabou du jeûne brisé

Chaque Ramadan, la question du jeûne pendant les menstrues revient hanter les femmes musulmanes. La réponse n’est jamais claire, noyée dans un tabou tenace.

Maroc : présenter un acte de mariage dans les hôtels c’est fini

L’obligation de présenter un contrat de mariage lors de la réservation de chambres d’hôtel au Maroc pour les couples aurait été annulée. Cette décision survient après la colère du ministre de la Justice, Adellatif Ouahbi.

Les Marocaines paieront aussi la pension alimentaire à leurs ex-maris

Au Maroc, les femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint pourraient avoir à verser une pension alimentaire (Nafaqa) à ce dernier en cas de divorce, a récemment affirmé Abdellatif Ouahbi, le ministre de la Justice.

Une Marocaine meurt après avoir pris des pilules achetées sur Instagram

Une Marocaine de 28 ans est décédée après avoir pris des pilules amincissantes achetées auprès d’une inconnue qui faisait la promotion de ces produits sur Instagram.

Pilules abortives : le Maroc face à un gros problème

Des associations de défense des droits des consommateurs dénoncent la promotion sur les réseaux sociaux de pilules abortives après l’interdiction de leur vente en pharmacie, estimant que cette pratique constitue une « atteinte grave à la vie » des...

« Épouse-moi sans dot » : un hashtag qui fait polémique au Maroc

Le hashtag « Épouse-moi sans dot » qui s’est rapidement répandu sur les réseaux sociaux ces derniers jours, a suscité une avalanche de réactions au Maroc. Alors que certains internautes adhèrent à l’idée, d’autres la réprouvent fortement.

Maroc : mères célibataires, condamnées avant même d’accoucher

Au Maroc, les mères célibataires continuent d’être victimes de préjugés et de discriminations. Pour preuve, la loi marocaine n’autorise pas ces femmes à demander des tests ADN pour établir la paternité de leur enfant.