Des médecins maghrébins enchaînent les gardes en France, leur salaire tombe à 1 100 € net

17 juillet 2025 - 20h00 - France - Ecrit par : P. A

Des hôpitaux de Seine-et-Marne exigent d’une cinquantaine de médecins étrangers dont des Marocains le remboursement d’une « prime différentielle » dont ils ont bénéficié pendant plusieurs années.

Cette prime était versée aux médecins étrangers en service dans les quatre hôpitaux (Marne-la-Vallée, Meaux, Coulommiers, Jouarre) formant le Grand Hôpital de l’Est francilien (GHEF), lesquels sont confrontés comme tant d’autres à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. « Ces primes sont une pratique courante qui permet de les attirer dans les déserts médicaux où, du fait de leur précarité, ils sont corvéables à merci. Sans eux, les hôpitaux fermeraient », explique auprès du Parisien Kahina Hireche Ziani, secrétaire générale et porte-parole du syndicat SOS Pahdue.

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Fin 2024, la nouvelle direction du GHEF informe les médecins étrangers de sa décision d’arrêter le paiement de cette prime qui selon elle, n’a « aucune base légale ». Puis, le 31 mars 2025, elle exige le remboursement de cette prime sur les deux dernières années. Une douche froide pour les médecins étrangers pour qui cette prime représentait près de la moitié de leur revenu. « On se retrouve avec des médecins désormais payés 1 100 euros net, soit moins que les femmes de ménage, avec une dette de 34 000 euros à rembourser. C’est ubuesque », peste la CGT qui a rencontré mercredi le ministère de la Santé.

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« Certains enchaînent vingt gardes par mois pour pouvoir garder la tête hors de l’eau et nourrir leur famille, ce n’est pas tenable », déclare pour sa part Catherine Dos Santos, secrétaire adjointe du syndicat pour l’hôpital. De son côté, la direction assure qu’elle ne fait que se conformer à la loi et répondre à une demande du Trésor public qui lui réclame un total de 2,7 millions d’euros. « C’est évidemment plus simple d’aller récupérer cette somme sur le dos de précaires qui ne connaissent pas les lois françaises et ont peur de perdre leur titre de séjour en même temps que leur emploi », fulmine la CGT.

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Face à cette difficulté, les médecins étrangers ont saisi des avocats. « Il est impensable de leur faire porter la responsabilité d’une décision prise par la direction, devenue définitive et inscrite dans leur contrat de travail et leur promesse d’embauche », s’insurge Me Delphine Kriszch, qui dénonce une mauvaise application des textes. Elle a saisi le tribunal administratif de Melun. « On n’a pas le choix ! Même en échelonnant sur deux ans, c’est impossible. On doit déjà payer des impôts sur la base de notre ancienne rémunération, nos avocats, tout cela avec un salaire qui a fondu… Et on ne peut pas partir du GHEF sans avoir obtenu la validation de notre examen. Beaucoup se sentent pris au piège », se plaint un médecin.

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« C’est inacceptable ! Après huit à dix ans d’études, je ne serais jamais venue en France pour gagner 1 500 euros ou 2 000 euros, c’est ce que je serais payée si j’étais restée au Maroc. La confiance est rompue, tout le monde rêve de partir du GHEF », s’emporte un autre qui doit reverser 60 000 euros. « Les décrets sont délibérément flous, ce qui laisse les mains libres aux directeurs d’établissement pour faire ce qu’ils veulent, Le ministère le sait, mais ça arrange tout le monde : les Pahdue passent en dernier pour les choix de congés et de gardes, tout en étant sous-payés. Le système s’appuie sur eux tout en faisant des économies sur leur dos », dénonce Kahina Hireche Ziani de SOS Pahdue.

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