N. Chekrouni : les problèmes migratoires relèvent d’une responsabilité partagée

22 octobre 2003 - 11h50 - Maroc - Ecrit par :

Le Maroc abrite aujourd’hui et demain la Conférence ministérielle sur les problèmes migratoires en Méditerranée occidentale. Quel est l’enjeu de cette rencontre ?

Il s’agit de la deuxième conférence ministérielle du dialogue 5+5. Elle intervient après la Conférence tenue à Tunis en octobre 2002 et elle prépare au sommet des chefs d’Etat qui va avoir lieu en décembre prochain à Tunis.

C’est une réunion qui intervient dans un contexte marqué par les discussions en Europe sur le sujet et l’émergence d’initiatives allant dans le sens du raffermissement du contrôle aux frontières. Quel regard portez-vous sur ces initiatives ?

La question représente à la fois un enjeu national et international pour tous les pays. La Conférence de Rabat intervient pour appuyer des actions déjà entreprises par les autres partenaires.
Elle est importante car elle permet aux pays des deux rives de se concerter dans un cadre informel et qui a pour objectif de rapprocher les points de vue. La réflexion va également dans le sens d’une mise en place de mécanismes permettant la concrétisation de mesures contenues dans la Déclaration de Tunis.
C’est en résumé un cadre de dialogue qui joue le rôle de facilitateur pour les actions prises dans d’autres cadres. Le rapprochement opéré au niveau du dialogue 5+5 jouera un rôle positif dans les négociations entreprises au niveau officiel.

Peut-il y avoir rapprochement lorsque les points de vue sont, à la base, divergents. Pour preuve, la notion sécuritaire marque encore la gestion de l’immigration dans les pays du Nord malgré toutes les contestations au Sud.

Il faudrait tout de même féliciter. Grâce au dialogue et à la concertation on arrive non pas à s’éloigner complètement de l’approche sécuritaire mais de la greffer sur l’approche globale qui est celle du développement. Comme vous l’avez probablement remarqué, le ministre de l’Intérieur espagnol assure dans ces dernières déclarations que l’approche globale de l’immigration devient incontournable aujourd’hui. Tout le monde convient de la nécessité d’aborder les choses sur cet aspect global. Il y a un accord préalable sur le fait que les questions migratoires ne peuvent être réglées dans une simple vision sécuritaire.
Cela revient à réduire le problème à une seule dimension. Or, au cœur de la question se trouve une dimension humaine et de développement économique et social. C’est en tenant compte de toutes ces dimensions que l’on peut apporter des solutions au problème.
Nous avons déjà proposé pour cette conférence que les discussions abordent trois axes prioritaires. Il s’agit de la régulation des flux migratoires, l’émigration illégale, l’intégration des migrants et le codéveloppement.

Certains pays européens sont plus enclins à adopter des positions de fermeture par rapport à d’autres. Comment agir face à cette réalité ?

Nous ne sommes pas dans un cadre bilatéral de discussion mais global. Cette situation offre l’avantage de mieux servir les discussions et le dialogue, pour justement aboutir à un rapprochement des positions. Il ne s’agit pas seulement, dans notre réunion de Rabat, de parvenir à un accord entre les dix pays participants, mais aussi à homogénéiser les points de vue.

Que pensez-vous de la thèse qui voudrait faire dépendre l’aide fournie par les Quinze à certains pays tiers de l’intensité des efforts consentis pour endiguer l’immigration clandestine à destination des pays membres de l’UE ?

Je dis simplement que de notre côté nous continuons à faire le plaidoyer pour que le dialogue continue tout en soulignant que l’on ne s’inscrit pas dans l’approche aide, mais plutôt dans celle du codéveloppement.

La notion du codéveloppement est-elle visiblement perçue de manière différente selon qu’on se trouve au nord ou au sud de la Méditerranée ?

Le codéveloppement se définit à travers la mise en place de programmes de développement dans les régions émettrices de l’émigration. Lorsqu’on parle de codéveloppement, on désigne le partage des responsabilités.

Quand je dis partage des responsabilités, je ne vise pas uniquement la responsabilité des Etats, mais je fais aussi appel à la communauté immigrante elle-même pour participer à ce codéveloppement. C’est une responsabilité partagée. C’est ce que nous défendons et c’est ce que nous continuerons à défendre.

La lutte contre le terrorisme vient aujourd’hui s’imbriquer dans le dossier de l’immigration. Les deux sujets sont-ils forcément liés ?

Les deux questions ne sont pas forcément liées, mais il y a un aspect qui pourrait aujourd’hui être débattu. Les soubassements de la question du terrorisme, les juridictions liées à la question impliquent qu’on en discute aujourd’hui. La question du terrorisme est devenue une question globalisante, et c’est à ce niveau-là qu’il y a un point de rencontre avec la question migratoire, même s’il s’agit de deux questions totalement distinctes.

Propos recueillis par K. Ridouane pour lematin.ma

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Nouzha Chekrouni - Immigration - MRE

Ces articles devraient vous intéresser :

Le PJD drague les MRE

Le Parti de la justice et du développement (PJD) veut placer les Marocains résidant à l’étranger (MRE) au cœur de son action. Cette décision intervient suite au 8ᵉ Congrès national du parti qui tente de renforcer sa dynamique politique et...

Mariages mixtes : percée inquiétante du chiisme chez des MRE

Un phénomène particulier se manifeste au sein de la communauté marocaine de Belgique : une augmentation des mariages entre des femmes marocaines et des hommes irakiens chiites, célébrés selon le rite de la Fatiha.

Des Marocains réduits à l’esclavage dans le Lot-et-Garonne

Vingt travailleurs marocains ont été exploités dans des conditions indignes par une agricultrice du Lot-et-Garonne. Attirés par la promesse d’un contrat de travail et d’une vie meilleure, ils ont déboursé 10 000 euros chacun pour rejoindre la France.

Vols chers, procédures lourdes : les raisons d’un désamour des MRE

Des groupes parlementaires critiquent le ministre de l’Investissement et de la Convergence des politiques publiques, Karim Zidane, à cause de ce qu’ils ont qualifié de participation « faible » des Marocains du monde aux investissements.

Cinq avantages fiscaux méconnus pour les MRE

Le système fiscal marocain prévoit plusieurs allègements pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE). Pourtant, beaucoup ignorent certains dispositifs qui permettent d’alléger considérablement leurs impôts. Voici cinq avantages peu connus mais très...

Régularisation des sans-papiers en France : une avocate brise les espoirs

Une nouvelle liste de métiers en tension a fait naître un immense espoir de régularisation. Mais une avocate met en garde : de fausses informations circulent, et la réalité administrative est bien plus complexe. Le chemin vers un titre de séjour est...

L’Europe délivre un nombre record de permis de travail aux Marocains

Eurostat, institution relevant de la Commission européenne chargée de produire et diffuser des statistiques communautaires, a dévoilé le nombre de Marocains ayant obtenu les permis de travail temporaire en 2023.

Mohammed VI : un discours centré sur les MRE

Dans son discours à l’occasion du 49ᵉ anniversaire de la Marche verte, le roi Mohammed VI a annoncé une réforme dans le mode de gestion des affaires des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Ceci, en vue de mieux répondre aux besoins de cette communauté.

Maroc : les plaintes des MRE vraiment prises au sérieux ?

Nasser Bourita a assuré que son département accorde une attention particulière aux plaintes des Marocains du monde.

Des ferries géants (GNV) pourraient bientôt desservir le Maroc

GNV vient de lancer la commande de quatre grands navires auprès du Chinois Guangzhou Shipyard International (GSI). Ils pourraient desservir le Maroc.