Le soutien de la croissance endogène constitue donc la première étape. « Il s’agit de donner une nouvelle impulsion à la politique des grands projets », insiste Nizar Baraka. Et d’ajouter que « le volume d’investissement prévisionnel est appelé à doubler ». Il faut également veiller à la consolidation des infrastructures de transport. Sur ce point, notons les lancements d’un nouveau plan de réalisation de 380 kilomètres d’autoroute supplémentaires, des projets TGV et Tramway et le plan logistique qui sera présenté par le ministre du Transport en mars. En parallèle, le gouvernement espère accélérer les chantiers de constructions d’habitat social déjà entrepris, en dépit des difficultés d’exécution qu’ils ont connues.
Le pouvoir d’achat occupe une place non négligeable, dans la stratégie du gouvernement. En effet, sur ce point Nizar Baraka promet, comme son collègue des Finances, une baisse de l’impôt sur le revenu ainsi qu’une diminution progressive de la taxe sur la valeur ajoutée. De plus, l’Etat compte poursuivre la politique de soutien des prix des produits de base du gaz butane et du pétrole. Mais des réformes se préparent. Baraka a parlé de renforcer le contrôle. Retenant les avertissements de la Cour des Comptes, le ministre a reconnu que le contrôle se faisait mal ou pas du tout. Il a aussi évoqué la tarification et la structure des prix des produits subordonnés ; il a annoncé la « restructuration des filières céréalières et pétrolières ». Et il a confirmé la recherche d’un meilleur ciblage des aides. En effet, les dépenses de compensation atteindront 20 milliards de DH, soit un tiers des dépenses d’investissements de l’Etat.
En outre, le passage à « un autre palier de croissance » constitue le second axe de la politique économique du gouvernement. Pour y parvenir, « l’accent doit être mis sur l’offre exportable du Maroc et non plus sur la demande intérieure ». Cela passe par la poursuite des réformes commerciales et tarifaires et par une « meilleure flexibilité du régime des changes ». L’objectif de croissance à 6,8% ne pourra être atteint « qu’à condition d’instaurer des politiques sectorielles ciblées ». A cet égard, le ministre a rappelé les échéances pour les secteurs, à savoir la vision 2020 pour le tourisme, 2015 pour l’artisanat et 2020 pour « Rawaj ». Il a ensuite souligné l’entrée dans une phase d’accélération de plan Emergence en termes de restructuration de l’industrie et des services. Par ailleurs, Baraka a insisté sur l’importance de préserver l’environnement, notamment les ressources naturelles du pays. Il a attaché une attention particulière à la lutte contre la déforestation, la désertification ainsi que la pollution.
D’où l’appel lancé aux pays du pourtour méditerranéen, pour renforcer la coopération avec le Maroc et atteindre une production énergétique de 10%. Cela entre dans le cadre de l’impulsion dans la production d’énergies propres (éolienne et solaire).
Le 3e axe de cette nouvelle stratégie va dans le sens du renforcement des agents et acteurs de l’économie, en un mot de la compétitivité. Cela passe par l’appui à l’entreprise. Signalons que l’objectif du gouvernement est de continuer la révision du taux d’IS pour atteindre 25% à l’horizon 2012. Le contrat-programme conclu entre l’Etat et les PME constitue un autre aspect dans l’accompagnement des entreprises. Enfin améliorer la bonne gouvernance. A ce propos, le ministre a indiqué que « le code de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise sera bouclé le 17 mars ».
Par ailleurs, Nizar Baraka n’a pas omis de mettre en évidence l’importance du secteur financier. Pour lui, « il faut poursuivre sa modernisation compte tenu de son rôle moteur de notre économie ». En revanche, « le bémol du Maroc est l’enseignement », constate le ministre. En effet, Baraka précise qu’il faudrait faire une révolution dans ce domaine en améliorant entre autres l’enseignement fondamental et la promotion de la scolarisation scolaire, sans oublier le développement des filières professionnelles.
Autre priorité, la nouvelle politique publique. « Il faut lui donner plus de cohérence », fait observer le ministre. Cela se traduit par une réforme de décentralisation administrative afin de promouvoir une politique de proximité et renforcer ainsi les coopérations régionales, plus particulièrement les relations méditerranéennes.
L’emploi, l’emploi, l’emploi
L’objectif avoué de cette stratégie économique est sans ambiguïté : l’emploi. Il est au cœur de la politique du gouvernement. A cet effet, le Maroc compte adopter une politique proactive de l’emploi et ainsi accélérer les mesures d’intégration des diplômés dans les secteurs privé ou public. A ce sujet, le ministre a rappelé que les chantiers entrepris ont drainé 100.000 emplois sur l’année.
Forces et faiblesses
Pour Nizar Baraka, la première force du Maroc est la stabilité politique. Sa position géographique a vocation de faciliter l’ouverture et la capacité d’attraction. En témoigne le total des investissements directs étrangers, qui a atteint les 3 milliards de dollars en 2007, soit près de 23 milliards de DH. De plus, le Maroc bénéficie d’une bonne intégration dans l’économie mondiale, à travers son adhésion à l’OMC et ses accords avec l’UE, les Etats-Unis et la Turquie. Il faut ajouter à cela, la disponibilité de la main-d’œuvre en termes de coût, mais forcément en termes de qualité ! Autre plus, la perpétuelle mutation du système bancaire qui se modernise et s’adapte aux normes internationales (adoption des IFRS et de Bâle II).
A noter également, un code du travail en pleine rénovation, après avoir connu quelques difficultés d’application. S’inscrivant dans la continuité, le gouvernement Abbas El Fassi poursuivra les actions de l’INDH. En témoigne le budget qu’il lui a alloué, 1 milliard de DH. De plus, l’Etat envisage des contrats-programmes et des nouvelles politiques sectorielles ayant un impact direct sur l’emploi.
Et comme revers de la médaille, le Maroc souffre de plusieurs dépendances. Etant un pays dont l’économie est basée sur l’agriculture, le Royaume est enclin aux aléas climatiques et énergétiques. Pour rappel, la faible saison agricole a impacté le taux de croissance en 2007.
Quelques autres difficultés ont marqué l’économie. Il y a l’accès au foncier industriel qui devient de plus en plus ardu. Cela ne fait qu’alimenter la surenchère des prix de l’immobilier. A noter, également, la faible productivité du travail ainsi qu’une pression inflationniste qui ne cesse d’enfler : pour ce début d’année, 3% sur les produits alimentaires.
En termes de menaces, le Royaume doit contrer l’émergence des nouveaux concurrents, limiter la fuite des cerveaux, éradiquer l’informel, enfin améliorer les compétences techniques et professionnelles.
Source : L’Economiste - My Ahmed Belghiti