Avec les 2,6 millions de touristes arrivés en juillet, les perspectives pour le tourisme marocain sont prometteuses et autorisent à réviser les objectifs fixés dans la feuille de route pour le secteur, estime Zoubir Bouhoute, expert en tourisme.
Tourisme, transferts des MRE, IDE et exportations de produits sous-traités, textile notamment. Si la crise devait toucher l’économie marocaine, c’est par ces quatre volets qu’elle devrait s’infiltrer. Telle était l’analyse des experts lorsque la débâcle du système financier international battait son plein, il y a deux mois. Le système bancaire étant immunisé, les regards se sont donc rivés sur l’économie réelle. Et bien, la baisse de régime de ces quatre grandeurs est une réalité.
Une note de conjoncture du ministère des Finances montre un recul des performances aussi bien des Investissement directs étrangers (IDE) que des recettes de tourisme. Pour les transferts des MRE, finie l’embellie des dernières années, la stagnation s’installe. Quant aux exportations des produits textiles, la baisse constatée depuis le début de l’année continue.
Dans le détail, à fin octobre, les recettes touristiques ont chuté de 1,5% par rapport à l’année précédente s’élevant à 49 milliards de DH. Ce n’est pas juste un ralentissement, mais carrément une baisse. Pour rappel, en 2007, la croissance de ces recettes a été de plus de 14% dépassant les 55 milliards de DH.
Ce recul du chiffre d’affaires touristique contraste curieusement avec une hausse de 6,3% des arrivées touristiques. Ainsi, à fin octobre, ce sont quelque 6,7 millions de touristes qui ont visité le pays. En effet, le portrait-robot du touriste moyen visitant le Maroc est en train de changer. Il développe un profil de plus en plus « low cost ». La hausse des nuitées dans les villes d’affaires comme Casablanca renseigne sur un autre phénomène : le développement des courts séjours. En tout cas, Français, Anglais et Allemands ont été nombreux à tourner le dos au pays. Cela est expliqué par « le ralentissement de la croissance dans la zone euro » à cause de la crise financière. Une tendance qui est amenée à s’ancrer davantage à moyen terme. En revanche, les Espagnols continuent à succomber au charme des villes marocaines. Les nuitées qu’ils ont consommées ont progressé de 8,1%. Les touristes nationaux ont, eux aussi, contribué à limiter les effets de la crise sur le secteur touristique. Le nombre de nuitées qu’ils ont passées dans les hôtels classés a progressé de 7,1%.
Les transferts des MRE qui permettaient, avec les recettes voyages, d’absorber le déficit commercial se sont à leur tour calmés. En effet, la note du département de Salaheddine Mezouar fait ressortir une stagnation des virements à 46 milliards de DH.
Ce coup de frein sec de ces transferts ne peut avoir comme explication que la crise financière et ce, à double titre. D’abord, elle se traduit par des licenciements massifs dans des secteurs où la main-d’œuvre étrangère, marocaine entre autres, est fortement représentée. C’est l’exemple de l’automobile et de l’immobilier. Ensuite, l’état d’inquiétude provoqué par l’ampleur de cette crise pousse les ménages à reporter certaines dépenses d’où le mouvement de déflation observée dans les pays développés. Les ménages issus de l’immigration n’échappent pas à cet état de frilosité financière. Cela se reflète aussi sur leurs transferts aux pays d’origine.
Quant aux IDE, la baisse est également constatée. Après des années d’euphorie, dont l’apogée a été l’année 2007, les investissements des étrangers au Maroc fléchissent en 2008. La baisse, à fin octobre, est de 16,8% à 25,6 milliards de DH. C’est significatif. Mais, la contreperformance n’est pas à lier automatiquement à la crise financière. En effet, il ressort de l’analyse des chiffres de la direction des investissement que la baisse concerne notamment les capitaux arabes. Ces derniers ont régressé de près de 77% à 4,7 milliards de DH à fin août 2008 au lieu de 20 milliards en 2007. En revanche, ceux en provenance de l’Europe ont marqué un saut qualitatif cette année. La croissance à fin août (avant la crise donc) était de 53% par rapport à décembre 2007, soit 13,4 milliards de DH. Précisons par ailleurs que les 25,6 milliards de DH englobent à la fois les IDE et les prêts privés étrangers. Les IDE représentent néanmoins 83% de ce total.
Pour le textile, la mauvaise passe se confirme d’un mois à l’autre. Les chiffres du commerce extérieur montrent qu’à fin octobre 2008, les exportations des vêtements confectionnés ont baissé de 6,6%. Cela représente un manque à gagner de plus de 1 milliard de DH pour les opérateurs du secteur.
Dans ce contexte de ralentissement généralisé d’importantes sources de revenus pour l’économie marocaine, le taux de croissance pour 2008 devrait subir une correction à la baisse. Ainsi, dans son dernier rapport, la Banque mondiale table sur un taux de 6,2% pour le Maroc à fin 2008. Le Centre marocain de conjoncture estime, pour sa part, que ce taux ne sera que de 5,1%. Plus optimistes que jamais, Mezouar et ses équipes continuent à brandir le chiffre officiel de 6,8%.
Source : L’Economiste - Nabil Taoufik
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