Immobilier au Maroc : la crise qui inquiète tous les acteurs

3 juillet 2025 - 20h00 - Maroc - Ecrit par : P. A

Le marché immobilier marocain traverse une période critique marquée par une baisse de 30 % des transactions et un écart considérable entre l’offre et la demande.

« Le ralentissement du marché immobilier marocain s’explique par un décalage profond entre l’offre et la demande, aggravé par plusieurs facteurs », analyse pour Challenge l’expert immobilier Karim Librahimi. Le secteur a enregistré au cours des premiers mois de l’année une baisse de 30 % des transactions, traduisant la profondeur de la crise alimentée par des tensions financières, administratives et réglementaires. Le directeur de l’agence Le Point de vente à Rabat explique que « les taux d’intérêt élevés et les conditions strictes d’octroi excluent de nombreux ménages » et que « les promoteurs, privés de préventes, doivent emprunter à des coûts exorbitants, ce qui renchérit les prix. » Cette situation conduit à l’inaccessibilité de l’immobilier pour les ménages à revenus moyens, dont le pouvoir d’achat est déjà affaibli par l’inflation. « Les matériaux de construction et les dépenses quotidiennes grèvent le pouvoir d’achat, rendant l’accession quasi impossible pour la classe moyenne », affirme-t-il.

À lire : Acheter un bien immobilier au Maroc : les frais d’enregistrement expliqués

Conséquence, « les acheteurs espèrent une baisse des prix, tandis que les promoteurs reportent leurs projets, faute de visibilité », note Karim Librahimi, soulevant en outre la question de la disponibilité du foncier pour construire. « Les terrains constructibles se font rares dans les centres-villes, et les limitations d’étages (PLU) réduisent la rentabilité des projets », fait-il observer. Face à cette situation, les acheteurs délaissent les centres pour les périphéries. « Les centres deviennent inaccessibles, poussant la demande vers des banlieues éloignées comme Témara ou Berrechid. » L’expert évoque aussi l’inefficacité administrative et l’incertitude juridique comme freins au développement du secteur. « Les délais pour obtenir un permis de construire ou un enregistrement notarial s’allongent, bloquant des projets entiers », déplore-t-il, ajoutant que « l’absence de règles claires sur la VFA (Vente en l’État Futur d’Achèvement), les résidences touristiques ou les taxes locales crée un climat d’incertitude », aussi bien pour les acteurs locaux que pour les investisseurs étrangers.

À lire : Maroc : un nouveau programme pour des loyers plus abordables

La crise affecte tous les acteurs. « La baisse des transactions réduit les revenus des agences immobilières, et la concurrence devient féroce sur un stock immobilier figé », relève l’expert immobilier. Les notaires, eux, voient le nombre d’actes authentiques chuter, tandis que les citoyens sont contraints, face à la hausse des prix et des loyers, de se tourner vers l’informel ou les périphéries. Quant aux investisseurs étrangers, ils « hésitent à s’engager dans un marché jugé trop instable ». Les acheteurs locaux, pour leur part, « redoutent les retards de livraison ou les changements de réglementation en cours de projet. » Pour relancer et dynamiser le secteur, Karim Librahimi appelle à la mise en place d’un guichet unique digital. L’expert recommande « un contrat-type VFA sécurisé, avec des pénalités en cas de retard et une garantie des fonds » et de renforcer la transparence et l’accès au logement pour les primo-accédants.  « Le marché immobilier marocain a besoin d’un nouveau pacte entre tous les acteurs. Seule une approche globale et courageuse permettra de relancer durablement le secteur », a-t-il conclu.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immobilier - Témara - Berrechid - Crise immobilière Maroc

Aller plus loin

Au Maroc, fraude massive de certains promoteurs immobiliers

Les promoteurs immobiliers de la ville de Jorf El Melha dans la province de Sidi Kacem refusent de payer la taxe sur les terrains non bâtis. Une situation qui prive la commune...

L’immobilier, un luxe inaccessible dans le Nord du Maroc ?

Il est de plus en plus difficile pour les Marocains à revenus faibles et moyens d’acquérir ou de louer un logement dans les villes du Nord du royaume. En cause, la hausse des...

Acheter un bien immobilier au Maroc : les frais d’enregistrement expliqués

L’acquisition d’un bien immobilier au Maroc est un projet d’une vie pour certains, notamment des Marocains résidant à l’étranger (MRE), que ce soit pour une résidence secondaire...

Immobilier : le Maroc sous tension

Les perspectives sont prometteuses pour le secteur immobilier marocain, porté par une dynamique économique favorable et en prévision de la Coupe du monde 2030. Toutefois, des...

Ces articles devraient vous intéresser :

Immobilier au Maroc : le fisc marocain en alerte

L’existence de nouvelles pratiques frauduleuses a poussé les services de contrôle de la Direction générale des impôts (DGI) à intensifier leurs inspections fiscales à l’encontre de plusieurs promoteurs immobiliers et entreprises spécialisées dans la...

Les MRE très attendus cet été pour booster l’immobilier

Les initiatives gouvernementales et le retour massif des Marocains résidant à l’étranger (MRE) contribuent à la relance du marché de l’immobilier marocain.

Aide au logement : un véritable flop dans le Nord du Maroc ?

Le nombre de bénéficiaires du programme d’aide directe au logement a atteint 16 300 à la date du 2 juillet, a récemment annoncé Fatima Zahra Mansouri, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville,...

Aide au logement : succès auprès des MRE

Le programme d’aide directe au logement « Daam Sakane », lancé le 2 janvier 2024, est un succès, notamment auprès des MRE, assure Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, lors du point de presse hebdomadaire à l’issue du conseil de gouvernement.

Le Maroc veut faciliter l’accès à la location dans les grandes villes

Le ministère de l’Aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville a lancé une mission d’étude visant à analyser le marché de la location résidentielle et à proposer des solutions alternatives dans les...

Maroc : ces investisseurs étrangers piégés

Au Maroc, plusieurs investisseurs étrangers ont engagé des ressources importantes dans certains secteurs comme l’agriculture, l’immobilier, la restauration, sans une étude préalable. Conséquence, ils ont enregistré des pertes colossales du fait de la...

Maroc : les salles de fêtes se plaignent de "l’absence" de mariages

Au Maroc, la fréquentation des salles de mariage a considérablement baissé cet été au point d’inquiéter plusieurs gérants.

L’inclusion des MRE à l’aide au logement passe mal

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) peuvent bénéficier de l’aide directe au logement au même titre que les Marocains résidant au Maroc, ce qui n’est pas du goût de bon nombre d’internautes. Certains d’entre eux n’hésitent pas à appeler à...

Aide au logement : gros succès auprès des MRE

Le programme d’aide directe au logement connait un franc succès depuis son lancement. Au 23 mai 2024, 11 749 personnes ont déjà pu bénéficier de cette aide, sur un total de 73 711 demandes déposées. De nombreux Marocains résidant à l’étranger ont...

Immobilier au Maroc : voici ce que rapportent les contrôles fiscaux

Les contrôles fiscaux effectués par la direction générale des impôts (DGI), sous l’égide du ministère de l’Économie et des Finances sur les promoteurs immobiliers au cours des trois dernières années (2020-2023) ont rapporté gros.