Alors qu’il s’apprêtait à rentrer chez lui après une petite balade avec un ami sur la Place Bethléem à Saint-Gilles, Adam reçoit une balle perdue. Des hommes originaires de Tbilissi en Géorgie étaient venus régler leurs comptes avec un cousin impliqué dans un petit trafic d’herbe à dix euros. L’un d’eux « tire dans le tas » et touche Adam qui était au mauvais endroit, au mauvais moment. « Je me souviens du sol. Du sang que je crachais. Je voulais dormir. Quelque chose m’a répété : ‘reste réveillé, reste réveillé.’ Ce n’est qu’en arrivant à l’hôpital qu’on m’a endormi », raconte-t-il à La Libre.
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Le jeune homme a reçu une balle de neuf millimètres dans la nuque, laquelle a atteint sa moelle épinière cervicale. Conséquence, Adam est tétraplégique à vie, à seulement 20 ans. Il subit une première opération, reste dans le coma pendant plusieurs semaines. En tout, il aura passé deux ans à l’hôpital où il n’arrivait même pas à parler. Une période sombre qu’il se remémore avec beaucoup de peine. « À chaque fois, je pensais que j’allais mourir, car les glaires bloquent régulièrement la trachéotomie. J’étouffais. Je devais appeler les infirmières pour qu’elles viennent avec une espèce de tuyau pour me permettre de respirer à nouveau. C’est traumatisant psychologiquement. Ne pas parler, ne pas se faire comprendre, ne pas dormir ».
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De retour à la maison en chaise roulante en avril 2012, Adam n’accepte pas sa nouvelle situation. Il s’enferme dans sa chambre et se réfugie dans les écrans. « Je ne voulais pas que les autres me voient. Les gens normaux passent dans la rue et personne ne les regarde. Quelqu’un comme moi, on l’observe de haut en bas ou avec de la pitié. Et ce regard, il tue. Je préfère encore l’indifférence », lâche-t-il. Le Bruxellois a le soutien de sa famille, mais n’apprécie pas cette prise en charge intégrale : « Ils ont bousillé ma vie et bloqué celle de ma mère. Elle doit s’occuper de moi en permanence. Elle ne peut pas sortir quand elle veut, partir en vacances ou tout simplement respirer un peu », peste le jeune homme.
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Cinq suspects sont identifiés et arrêtés. Mais faute de preuve, quatre d’entre eux seront acquittés en 2015 par le tribunal correctionnel de Bruxelles. Le dernier est condamné à six mois de prison pour port d’armes. La famille d’Adam fait appel. Après plusieurs reports, la cour d’appel finit par condamner en janvier 2018, près de huit ans après les faits, les prévenus à quatre ans de prison. La famille se réjouit que justice soit enfin rendue. « C’est la preuve qu’il y a une justice même si les peines de prison qui ont été prononcées ne seront jamais à la hauteur du mal que ces gens ont fait : ils ont détruit la vie de mon frère », déclarait une des sœurs d’Adam après le verdict.
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L’avocat d’Adam, Me Pierre Chomé, réclame 7,2 millions d’euros de dommages et intérêts aux condamnés. Mais en fin de compte, la victime ne touchera qu’environ 20 000 euros sur la vente d’un appartement. « On lui inflige une double peine. L’État sait que ces dédommagements ne seront jamais payés par quiconque… Je suis scandalisé ». « Je sais que je ne les aurai jamais. Je ne vais pourtant pas partir à Ibiza avec cet argent. Cela me servira seulement à améliorer mon confort de vie et décharger mes parents qui deviennent âgés. Rien de plus. », s’exaspère Adam. « Le fait générateur de la taxe est le fait d’être condamné à payer une somme dès qu’elle dépasse 12 500 €. Ce taux est de 3 %. Pour recouvrer cette taxe, toutes les sommes qui seront attribuées à la partie civile comme venant du patrimoine du condamné à payer, se verront frappées d’un privilège en faveur de l’État », explique Florence Angelici, porte-parole de SPF Finances.