Mères seules au Maroc : la double peine de la loi et de la « Hchouma »
Au Maroc, il n’est pas aisé d’être une mère célibataire. Ce statut n’est pas admis dans le royaume où les relations hors mariage sont interdites. Toute femme qui se retrouve...
Le confinement est une mauvaise nouvelle pour de nombreuses femmes, surtout en Afrique. Elles sont mères célibataires et vivent au jour le jour. Entre braver les interdits du confinement et s’exposer à tous les risques de contamination, et mourir de faim en restant à la maison, le choix est vite fait.
Au Maroc, les mères célibataires vivent une situation bien compliquée, surtout avec la crise actuelle. Zeyna a 29 ans et se charge seule de l’éducation de son fils de 12 ans. Pour subvenir aux besoins de son foyer, elle doit braver tous les jours l’interdiction de sortie. "Je prends le risque de tomber malade pour sauver mon enfant. Car si je ne subviens pas à ses besoins, il est mort", déclare-t-elle.
Comme Zeyna, des millions de travailleurs non déclarés ou exerçant dans le secteur informel, se sont ainsi retrouvés sans revenus du jour au lendemain. Si en temps de crise, les autres peuvent compter sur l’aide de leurs proches, pour Zeyna, c’est bien plus compliqué. "Pour nous, c’est une double peine. Mon fils n’a ni père ni papiers ; alors, personne ne veut nous approcher", raconte la jeune femme.
Elle vit avec son fils dans une petite chambre et doit affronter chaque jour le regard accusateur du voisinage qui ne lui pardonne pas d’avoir eu des relations hors mariage dont le résultat reste son fils Driss. "J’ai réussi à échapper à la prison, mais pas à la stigmatisation de la société. Aujourd’hui, j’en paie le prix : l’épicier ne veut pas me faire de crédit, ma famille ne veut plus entendre parler de moi et mes voisins ne veulent pas garder mon fils. Ils le surnomment ’ould el hram’ ", c’est-à-dire "bâtard" en arabe, rapporte Le Monde.
Pourtant, Driss n’est pas le fruit d’une relation d’une nuit. D’abord sa mère a travaillé comme bonne et a été violée pendant des années par son employeur. "Je suis tombée enceinte pour la première fois à 13 ans et j’ai perdu le bébé. J’ai fait une deuxième fausse couche l’année d’après", confie-t-elle. Ensuite, elle rencontre Mohamed à l’âge de 16 ans. "On était très amoureux. Il m’avait promis de demander ma main", raconte-t-elle. Mais lorsqu’il apprend sa grossesse, Mohamed s’évapore dans la nature sans laisser d’adresse. "J’ai vécu un cauchemar pendant des années, mais j’ai fini par m’en sortir", précise-t-elle.
Selon Le Monde, elle en a beaucoup souffert avant de se retrouver, grâce à un travail "au noir" que lui a trouvé une association, dans un salon de coiffure à Casablanca. Mais avec les cas de contamination, le salon de coiffure ferme ses portes et elle se retrouve devant les mêmes difficultés d’alors. "Quand on travaille au jour le jour, on n’a aucune autonomie. On ne vit plus, on survit", affirme Zeyna.
Actuellement, elle brave les interdits et les risques pour travailler comme femme de ménage. Sans autorisation, elle risque une peine d’un à trois mois de prison et une amende allant jusqu’à 1 300 dirhams. Elle le sait, mais elle n’a pas le choix. "Je prends les transports en commun, je croise des gens sur mon chemin, j’ai peur qu’il m’arrive quelque chose, car mon fils n’a personne d’autre. En plus, je suis obligée de le laisser seul à la maison. Je crains qu’il sorte dans la rue, qu’il approche d’autres enfants", raconte-t-elle, désemparée.
Au Maroc, il existe de nombreuses associations qui portent assistance aux mères célibataires, malgré le confinement. "Beaucoup de ces femmes ont perdu leurs emplois et, du fait de leur statut, ne bénéficient pas de la traditionnelle solidarité familiale marocaine, regrette Meriem Othmani, présidente de l’Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse (INSAF). "Nous sommes obligés de leur trouver de quoi se nourrir et de les aider à payer leurs loyers. Malheureusement, nous manquons de ressources", ajoute-t-elle.
Zeyna compte en dernier recours sur les aides de subsistance pour les travailleurs précaires et les familles en situation de pauvreté promises par le gouvernement. "De toute façon, je n’ai pas le choix. Sinon, je vais finir par me faire pendre", lâche-t-elle désespérée.
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