Maroc : un « trou » dans la loi favorise l’évasion fiscale

13 septembre 2025 - 22h00 - Economie - Ecrit par : S.A

Au Maroc, les adouls (notaires) se trouvent limités dans leur rôle dans le recouvrement fiscal au profit du Trésor public à cause d’une faille qui ouvre la voie à l’évasion fiscale.

Les professionnels du notariat ne peuvent pas prélever directement les impôts dus sur les transactions immobilières lors de la conclusion des contrats – notamment via l’« Avis à Tiers Détenteur » (ATD) appliqué à travers des comptes professionnels. L’absence persistante de comptes de dépôts professionnels leur permettant de placer les fonds de leurs clients auprès de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) limite ainsi leur rôle dans le recouvrement fiscal au profit du Trésor public. Une faille qui ouvre la voie à l’évasion fiscale. Aux yeux d’Abdellatif Jaid, président du Conseil régional des adouls près la Cour d’appel de Casablanca et président de la Commission des affaires scientifiques et juridiques de l’Instance nationale des adouls, la persistance des paiements en espèces dans la majorité des actes authentifiés par les adouls est une pratique « dangereuse pour l’économie nationale ». Selon les statistiques de Bank Al-Maghrib (BAM), la masse monétaire fiduciaire en circulation représentait déjà 30 % du produit intérieur brut, soit 437 milliards de dirhams à fin mars dernier, rappelle-t-il auprès de Hespress.

À lire : Maroc : les promoteurs immobiliers dans le collimateur du fisc

Jaid a tenu à préciser que les adouls enregistrent chaque jour un nombre important de contrats de vente immobilière. Même s’ils font preuve de rigueur en exigeant des clients un certificat délivré par les services de recouvrement – attestant du paiement des impôts et taxes grevant le bien au titre de l’année de la mutation ou de la cession, leur rôle reste limité. « Les adouls reçoivent bien des notifications des comptables publics concernant le paiement des dettes dues au Trésor, mais l’absence de compte professionnel dédié au dépôt des fonds des clients empêche leur pleine implication dans ce processus », souligne Jaid. Il pointe un manque de volonté du législateur à assumer ses responsabilités, en dépit des revendications récurrentes de l’Instance nationale des adouls, disponibles depuis plus d’une décennie, ainsi que les recommandations du Pacte national pour la réforme du système judiciaire.

À lire : L’ombre de la cocaïne derrière des rachats immobiliers à Casablanca et Tanger

Le président du Conseil régional évoque également la généralisation des paiements en espèces dans la quasi-totalité des transactions authentifiées par les adouls. Une tendance qui, selon lui, menace directement l’économie nationale et compromet la sécurité contractuelle. « Il n’est pas dans l’intérêt de l’État de voir d’importantes sommes échapper à son recouvrement, ni dans celui de l’intérêt général d’autoriser la circulation de fonds en dehors du circuit économique officiel », fait-il remarquer. « Dans quelle mesure le notariat adoulaire, via la procédure de l’ATD, contribue-t-il réellement au recouvrement des créances publiques et à l’équilibre entre les droits du Trésor et les garanties des contribuables ? Et surtout, le législateur financier dispose-t-il d’une réelle volonté pour traiter le problème structurel des paiements en espèces qui gangrène aujourd’hui le marché contractuel ? », questionne Jaid, regrettant que « certains dysfonctionnements demeurent, notamment le vide juridique laissé par l’article 100 du Code de recouvrement des créances publiques, qui a permis à l’évasion fiscale de perdurer. »

À lire : Maroc : un vaste scandale immobilier éclabousse des élus

Selon ses explications, cet article a en effet exclu les adouls de la remise des fonds issus des cessions, même lorsqu’ils en sont requis par les services fiscaux, en raison de l’absence d’un fondement légal les contraignant à le faire.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immobilier - Evasion fiscale

Aller plus loin

Le rêve immobilier qui tourne au cauchemar pour de nombreux Marocains

Au Maroc, l’acquisition d’un bien immobilier est un long chemin parsemé d’embûches pour de nombreuses familles en raison des problèmes récurrents auxquels est confronté le secteur.

L’ombre de la cocaïne derrière des rachats immobiliers à Casablanca et Tanger

L’Autorité nationale du renseignement financier (ANRF) enquête sur de nouveaux promoteurs immobiliers à Casablanca et Tanger, soupçonnés de blanchiment d’argent issu du trafic...

Immobilier au Maroc : des commissions à 100 %

Des associations de protection des consommateurs au Maroc ont ras-le-bol de certaines pratiques d’intermédiaires immobiliers qui imposent des commissions excessives et...

Maroc : un vaste scandale immobilier éclabousse des élus

Suite à la découverte d’un réseau de spoliation immobilière, spécialisé dans l’appropriation illégale de biens fonciers appartenant aux communes urbaines, et impliquant de...

Ces articles devraient vous intéresser :

Données bancaires des MRE : Le Maroc négocie avec l’OCDE

Le Maroc est en pourparlers avec l’UE en vue d’une application harmonieuse du traité OCDE/G20 sur l’échange automatique des données bancaires à des fins fiscales.

Des médecins marocains sous haute surveillance

Des médecins marocains exerçant dans des cliniques privées sont soupçonnés d’évasion fiscale, notamment de ne pas déclarer une partie de leurs revenus.

Aide au logement : un vrai succès chez les MRE

Près de 20% des potentiels bénéficiaires du nouveau programme l’aide au logement lancé par le roi Mohammed VI en octobre dernier sont des Marocains résidant à l’étranger (MRE).

Immobilier au Maroc : ces logements fantômes qui aggravent la crise

De nombreux logements vacants sont recensés au Maroc. Le gouvernement d’Aziz Akhannouch travaille à trouver une solution à cette problématique.

Immobilier au Maroc : la grande panne

Le marché immobilier marocain traverse une crise majeure, marquée notamment par une baisse des transactions de 30 % et un écart considérable entre l’offre et la demande. Un expert propose des solutions viables pour relancer le secteur.

Maroc : les revenus d’Airbnb traqués

L’Office des changes vient de lancer une vaste opération d’audit visant les transferts financiers internationaux entre propriétaires et bénéficiaires des locations de biens immobiliers via Airbnb.

Maroc : l’afflux des MRE va booster le secteur immobilier cet été

L’arrivée au Maroc cet été des Marocains du monde dans le cadre de l’Opération Marhaba, va contribuer à booster le secteur de l’immobilier.

Vous vendez une maison au Maroc ? Cette taxe est obligatoire

Céder un bien immobilier au Maroc ne vous exonère pas toujours d’impôt, même si vous n’en tirez aucun gain. Ainsi, un minimum d’imposition de 3 % du prix de vente est dû, quelle que soit la situation du vendeur.

Maroc : du changement pour l’impôt sur le revenu foncier

La loi de finances 2023 a établi un nouveau régime fiscal en matière d’impôt sur le revenu au titre des profits fonciers. Objectif, permettre aux contribuables prévoyant de céder leurs biens immeubles ou de droits réels s’y rattachant, de solliciter un...

Ce que paient (et ne paient pas) les MRE quand ils achètent au Maroc

Pour les nombreux Marocains résidant à l’étranger qui rêvent d’investir dans la pierre au pays, le guide fiscal 2025 apporte quelques nouveautés.