Du terrorisme à la rédemption : le parcours d’Oialae Chergui

21 mars 2023 - 22h30 - Espagne - Ecrit par : P. A

Condamné en septembre 2016 à huit ans de prison pour avoir collaboré avec l’État islamique, Oialae Chergui, avoue aujourd’hui s’être repenti en prison. Il a fait cette confession la semaine dernière, lors d’une rencontre avec des étudiants de l’université de Madrid.

Oialae Chergui, 34 ans, prisonnier djihadiste, a profité d’une permission de sortie de prison de quatre heures pour participer à cette rencontre. Il avait été arrêté pour son appartenance au groupe terroriste Al Andalus, démantelé par la police espagnole en 2016. Après plus de six ans de prison, il confie dans une lettre que son arrestation lui a évité de « faire des folies » et veut être un exemple de repentir. La lettre a été lue en sa présence par un étudiant en criminologie de l’université Francisco de Vitoria devant une assistance composée d’étudiants âgés de 18 à 22 ans.

Le témoignage de ce terroriste condamné s’inscrit dans le cadre d’une conférence sur la justice réparatrice et la déradicalisation des terroristes. « J’ai passé cinq ans à l’isolement dans la prison de Villabona. Aujourd’hui, j’ai obtenu une permission de quatre heures pour venir ici. Je voudrais oser lire cette lettre que j’ai écrite pour vous, jeunes universitaires, mais cela m’est impossible », a déclaré Oialae Chergui. Dans sa décision de 2017, la Cour suprême a indiqué que Chergui faisait partie d’un « réseau basé à Madrid, qui s’activait dans le recrutement, la radicalisation, l’endoctrinement et l’envoi de volontaires djihadistes pour mener des actes terroristes ».

À lire : Une djihadiste marocaine « repentie » devant les assises de Paris

« Je suis arrivé légalement en Espagne en 2002 avec mes parents. Mes parents sont retournés au Maroc et je suis resté ici avec de la famille dans le but d’étudier. Je n’ai pas pu le faire, je n’ai pas pu renouveler ma carte de séjour, ce qui m’a obligé à abandonner mes études et à commencer à aller devant les tribunaux, à chercher des emplois précaires et à fréquenter des personnes ayant une influence négative. Malgré cette vie en dents de scie, je me suis mariée en 2010 et j’ai trois enfants », raconte-t-il aux étudiants, précisant que sa motivation à rejoindre l’État islamique était « politique et non religieuse. Elle est née d’un sentiment d’injustice », allusion faite au printemps arabe.

Oialae Chergui dit « regretter profondément » et avoir « honte d’avoir collaboré avec une organisation terroriste ». Il a commencé à s’endoctriner avec des « informations provenant d’Al Jazeera, des réseaux et de ses amis ». « Mon manque de préparation académique et mon intolérance ne me permettaient pas de distinguer ce que je voyais, lisais ou entendais. […] J’ai commencé à faire des choses qui ne correspondaient pas à ma morale, mais que tout le monde faisait, ou du moins c’est ce que je pensais », détaille-t-il. Et de souligner : « Mon but était d’aller en Syrie pour lutter contre les dictateurs mis en place par l’Occident. La détention m’a sauvé de la lutte armée et de je ne sais quoi d’autre ».

À lire : Douha Mounib, itinéraire d’une djihadiste

Le jeune homme a suivi un long processus d’introspection, de réflexion autocritique, et participé à des ateliers de justice réparatrice avant de pouvoir se libérer. La lecture et l’humanisme de certaines personnes rencontrées en prison ont aussi beaucoup contribué à son changement de mentalité et de perception de la vie. « Aujourd’hui, je condamne le terrorisme… Je suis convaincu que le terrorisme n’a pas de religion ni de frontière. Je m’excuse si j’ai causé un préjudice moral à qui que ce soit et je promets de ne plus le faire. Je veux que ce cauchemar que j’ai commencé il y a de nombreuses années prenne fin », a-t-il conclu.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Espagne - Terrorisme - Droits et Justice - Prison

Aller plus loin

Espagne : un Marocain arrêté pour endoctrinement djihadiste

La police a arrêté mercredi à Gernika (Pays basque) un Marocain accusé d’endoctrinement djihadiste. Le prévenu vivait à Biscaye depuis plusieurs années et se trouvait en...

"Kim Miso" : la première influenceuse marocaine à conquérir la Corée

Partie du Maroc en 2018, Kim Miso, de son vrai nom Ibtissam Harakat, s’installe en Corée où elle réalise ses rêves de devenir une chanteuse et de promouvoir le coréen, une...

« Je devais mourir en prison », un Marocain de Montréal raconte sa chute et sa renaissance

Aidé par le journaliste Vincent Larouche, le Marocain Ziad Arradi, condamné à l’emprisonnement à perpétuité pour le double meurtre du quartier Saint-Michel, survenu le 17...

D’un rêve jihadiste à la réalité : Le récit très amer d’un jeune Franco-marocain

Parti en Syrie en compagnie de son grand frère et de son meilleur ami, un Franco-marocain réussit à quitter une katiba du Jabhat al-Nosra, affilié à Al-Qaida, pour revenir en...

Ces articles devraient vous intéresser :

L’appel des chrétiens marocains

La communauté chrétienne au Maroc a réitéré, à l’occasion de la célébration de la fête de Noël, sa demande d’abrogation de l’article 220 du Code pénal et de la dépénalisation du prosélytisme.

Mohamed Ihattaren risque d’aller en prison

L’avocat de Mohamed Ihattaren, Hendriksen, confirme que le joueur d’origine marocaine est poursuivi en justice pour légère violence envers sa fiancée Yasmine Driouech en février dernier. La date de l’audience n’est pas encore connue.

Des Marocains célèbrent la fin des accords de pêche avec l’Europe

Sur Facebook, de nombreux internautes marocains et des spécialistes des relations maroco-européennes affichent leur satisfaction après la décision de la Cour de justice annulant les accords de pêche entre l’Union européenne (UE) et le Maroc.

Maroc : un magistrat sévèrement sanctionné

Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire vient d’ordonner la révocation d’un juge exerçant dans un tribunal de première instance, condamné pour corruption. Le magistrat a été pris en flagrant délit, alors qu’il recevait la somme de 500 dirhams de la...

Un MRE expulsé après 24 ans en France

Un ressortissant marocain de 46 ans, résidant en France depuis 24 ans, a été expulsé en février dernier, suscitant l’émoi et soulevant des questions quant à l’application de la loi Darmanin sur l’immigration.

Maroc : mères célibataires, condamnées avant même d’accoucher

Au Maroc, les mères célibataires continuent d’être victimes de préjugés et de discriminations. Pour preuve, la loi marocaine n’autorise pas ces femmes à demander des tests ADN pour établir la paternité de leur enfant.

Blanchiment d’argent : la justice marocaine frappe fort

Le Maroc a réalisé des avancées significatives dans sa lutte contre le blanchiment d’argent. C’est ce qui ressort du septième rapport annuel de la présidence du ministère public, publié le 6 mars 2024. Ce document officiel montre une évolution positive...

Affaire de viol : Achraf Hakimi devant le juge

L’international marocain du Paris Saint-Germain, Achraf Hakimi, a eu affaire à la justice ce vendredi matin, en lien avec une accusation de viol portée contre lui.

Les cafés et restaurants menacés de poursuites judiciaires

Face au refus de nombreux propriétaires de cafés et restaurants de payer les droits d’auteur pour l’exploitation d’œuvres littéraires et artistiques, l’association professionnelle entend saisir la justice.

Maroc : 30 députés éclaboussés par des affaires de corruption

Au total, 30 députés marocains sont poursuivis par la justice en leur qualité de président de commune pour leur implication présumée dans des affaires de corruption, de dilapidation de deniers publics, de chantage, et de falsification de documents...