Une première au Maroc : un couple poursuivi pour adultère, acquitté

19 février 2021 - 19h30 - Maroc - Ecrit par : G.A

Le tribunal de première instance de Zagora a rendu un jugement qui donne de la matière au grand débat sur la liberté des relations sexuelles hors mariage et les libertés individuelles en général. Il a acquitté un couple vivant en concubinage alors qu’il était accusé d’adultère.

« L’absence d’un acte de mariage ne constitue pas une cause permettant de considérer une relation sexuelle comme illégale ». Par cette décision, le tribunal de Zagora estime qu’un rapport sexuel consommé dans le cadre d’un « mariage sans acte » ne serait pas illégal. Comme on peut s’en douter, cette décision rendue le 15 février dernier, génère des avis divergents. Pendant que certains pensent qu’elle encourage et facilite la débauche, d’autres y voient un précédent qui pourrait faciliter l’abrogation de l’article 490 du Code Pénal marocain.

Cette affaire concerne une femme et un homme poursuivis pour adultère, suite à une plainte déposée par la « conjointe offensée », qui accuse également son époux de violence et expulsion du foyer conjugal. L’homme confie avoir « épousé la deuxième femme par la Fatiha sans une procédure de polygamie », ni celle du divorce. Quant à la femme épousée en seconde noce, elle précise que le mariage a été conclu par échange de consentement mais sans « établissement de l’acte », et que les fiançailles ont eu lieu en présence de sa famille, rapporte Medias24.

Sur les faits d’adultère, le tribunal invoque trois éléments pour appuyer son interprétation : les prévenus « vivent sous le même toit ». La prévenue se considère comme « épouse légitime » du prévenu, et les fiançailles ont eu lieu devant les membres de sa famille. Pour le juge, il n’y a pas lieu d’évoquer un adultère avec tous ces éléments réunis. C’est seulement sur la plainte pour violence conjugale et expulsion du foyer conjugal, que le tribunal de Zagora a décidé de condamner l’époux à 2 mois de prison ferme suivis d’une amende de 2000 DH et 10 000 DH pour réparer le préjudice subi par sa première épouse.

L’acquittement du couple pour faits d’adultère est contraire à la décision rendue par la Cour de cassation en 2017. Elle avait estimé qu’une relation entre homme et femme puise le « fondement » de sa « légalité » dans un « acte de mariage ou ce qui s’y substitue conformément au code de la famille ». Donc, selon la Cour, « la présence d’enfants ou la durée de cohabitation, sans établir ce fondement, soumet cette relation » aux sanctions prévues par l’article 490 du code pénal (rapports sexuels hors mariage).

Au Maroc, l’acte écrit est l’unique manière de prouver un lien conjugal selon l’article 16 du code de la famille. Selon le ministère de la Justice, certains époux ont recours à la « Fatiha » pour contourner des procédures judiciaires et les obligations qui en découlent, surtout en matière de polygamie ou de divorce. C’est aussi une manière pour certaines familles, de soustraire des mariages de mineurs aux radars de la Justice, précise la même source.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Procès - Zagora - Polygamie - Mariage - Ministère de la Justice et des Libertés - Code pénal marocain - Divorce

Aller plus loin

Asma Marabet : « la pénalisation de l’adultère est contraire à la morale islamique »

L’islamologue et chercheuse, Asma Lamrabet, appelle à la suppression de l’article 490 du code pénal qui punit les relations sexuelles hors mariage. Selon elle et le « collectif...

Maroc : arrêté pour adultère suite à une infraction routière

Lors d’un contrôle routier sur la route côtière reliant El Jadida à Safi, les gendarmes ont arrêté un homme accusé d’adultère et de vol par le père de sa concubine. Sa femme...

Maroc : un imam arrêté en flagrant délit d’adultère

Un imam officiant dans une mosquée de Tizi Ntast, dans la province de Taroudant, a été surpris en flagrant délit d’adultère au domicile de sa maitresse.

Maroc : la justice ne reconnaît aucun droit au père d’un enfant adultérin

La Cour de cassation du Maroc a rendu publique la semaine dernière une décision pour refuser aux enfants nés hors mariage, le droit à la filiation, même s’il est prouvé par un...

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : le mariage fastueux de la fille d’un haut dirigeant soulève des polémiques

Le mariage somptueux organisé par le président de la Chambre des conseillers, Naam Miyara, pour sa fille, soulève de vives polémiques. La quatrième personnalité politique du Maroc après le roi, le chef du gouvernement et le président de la Chambre des...

Maroc : mariage sur TikTok

Au Maroc, des experts alertent contre les effets néfastes du programme de mariage diffusé sur les réseaux sociaux, notamment Tiktok.

Maroc : les salles de fêtes se plaignent de "l’absence" de mariages

Au Maroc, la fréquentation des salles de mariage a considérablement baissé cet été au point d’inquiéter plusieurs gérants.

Maroc : Une vague de racisme contre les mariages mixtes ?

Des activistes marocains se sont insurgés ces derniers jours sur les réseaux sociaux contre le fait que de plus en plus de femmes marocaines se marient avec des personnes originaires des pays d’Afrique subsaharienne. Les défenseurs des droits humains...

Maroc : une banque ADN pour traquer les criminels

Au Maroc, le ministère de la Justice travaille sur la création d’une banque de données génétiques (ADN) pouvant aider les forces de l’ordre à identifier et à traquer les personnes impliquées dans des affaires de viol, de harcèlement sexuel, d’attentat...

Argent sale : le Maroc lance une agence pour saisir et réinvestir

Le Maroc va bientôt se doter d’une Agence nationale de recouvrement et de gestion des fonds et des biens saisis et confisqués. Un important pas en avant dans la lutte contre le blanchiment d’argent et la criminalité transfrontalière.

Mariages mixtes : percée inquiétante du chiisme chez des MRE

Un phénomène particulier se manifeste au sein de la communauté marocaine de Belgique : une augmentation des mariages entre des femmes marocaines et des hommes irakiens chiites, célébrés selon le rite de la Fatiha.

El Jadida : le refus de la polygamie conduit au drame

Un féminicide a secoué la paisible commune de Zaouiat Saiss, dans la province d’El Jadida. Un homme a brutalement mis fin aux jours de son épouse au cours d’une dispute conjugale.

Ce qui pourrait changer pour le mariage des MRE

Des modifications du Code de la famille marocain (Moudawana) sont envisagées. Sept propositions d’amendements, préalablement approuvées par le Conseil supérieur des oulémas, ont été présentées fin 2024 au Roi Mohammed VI par le ministre des Habous et...

Dounia Batma attaque, son ex-mari contre-attaque

Le producteur bahreïni Mohamed Al-Turk a répondu aux accusations de complot portées contre lui par son ex-épouse, la chanteuse marocaine Dounia Batma impliquée dans l’affaire « Hamza mon bb ».