Affaire Rachid M’Barki : les ramifications d’un réseau d’influence

16 février 2024 - 23h00 - France - Ecrit par : S.A

L’affaire Rachid M’Barki du nom de l’ex-présentateur franco-marocain du journal de la nuit de BFMTV, mis en examen pour « corruption passive » et « abus de confiance » n’a pas fini de livrer tous ses secrets.

« On va largement au-delà du cas de Rachid M’Barki. Avec l’ex-présentateur de BFM TV, on était au bout de la chaîne. À partir de là, on est remonté. On s’est demandé qui était le commanditaire de Rachid M’Barki, puis qui étaient les différents donneurs d’ordre de ce commanditaire. Là, on se rend compte que Jean-Pierre Duthion, le lobbyiste qui avait commandé des images à Rachid M’Barki, recevait des commandes qui venaient d’Israël, parfois du Maroc, parfois du Qatar », explique à franceinfo Frédéric Métézeau, journaliste de la cellule d’investigation de Radio France qui a participé à la vaste enquête baptisée « Story Killers », qui révélait que le journaliste de BFMTV avait été licencié pour avoir diffusé des informations servant des intérêts étrangers.

À lire :Corruption : Rachid M’barki reconnaît les faits

En janvier 2023, Rachid M’Barki était accusé d’avoir utilisé l’antenne pour diffuser des informations erronées ou très orientées pour servir des intérêts étrangers, entre 2021 et 2022, sans en référer à sa hiérarchie, notamment un reportage sur l’organisation d’un forum économique Maroc-Espagne à Dakhla, lors duquel il a employé le terme « Sahara marocain » en lieu et place du terme « Sahara occidental », terme utilisé par les médias français. Les éléments de la BRDE sont ainsi tombés sur un grand nombre de messages compromettants pour l’ex-présentateur de la célèbre émission de faits divers « Faites entrer l’accusé » sur RMC. Il s’agit d’échanges confidentiels entre le lobbyiste Jean-Pierre Duthion, un homme payé pour défendre les intérêts de clients, également mis en examen et le journaliste, exhumés du téléphone du premier par les enquêteurs.

À lire :Rachid M’Barki : une entreprise de désinformation israëlienne impliquée

« On a découvert qu’il y avait toute une galaxie, une toile d’araignée de différents influenceurs qui sollicitaient Jean-Pierre Duthion et ce dernier, à son tour, sollicitait le canal qu’il jugeait le plus approprié pour faire passer le message. Ce pouvait être soit un journaliste, soit un parlementaire », explique encore Frédéric Métézeau, qui a également participé à l’enquête journalistique réalisée par le collectif Forbidden Stories, de la cellule investigation de Radio France et de ses partenaires dont le journal Le Monde et publiée jeudi 15 février. Cette enquête révèle le rôle du politique Nabil Ennasri, l’un des protagonistes de cette affaire, aujourd’hui mis en examen et incarcéré. Il est soupçonné d’avoir rémunéré le parlementaire du Rhône, Hubert Julien-Laferrière, après être entré en contact avec celui-ci par l’intermédiaire de Jean-Pierre Duthion.

À lire :Rachid M’Barki licencié par BFMTV, une plainte déposée

« D’après nos informations, Nabil Ennasri était en relation directe avec des autorités qataries. Ce pouvait être un procureur général du Qatar, une ambassade du Qatar. En lien direct avec le Qatar, il sollicitait Jean-Pierre Duthion qui avait des liens directs avec des journalistes ou des élus. Ils formaient une sorte de tandem », résume le journaliste. Celui-ci dit avoir découvert que c’est ce lobbyiste « qui avait soufflé » à l’élu du Rhône de « faire la promotion » d’une cryptomonnaie africaine douteuse. « C’est encore Jean-Pierre Duthion » qui aurait suggéré au député de critiquer la politique du Bénin à l’Assemblée nationale, alors que le président Emmanuel Macron doit s’y rendre. « Non pas via Nabil Ennasri, mais via une lobbyiste marocaine. On est vraiment dans une nébuleuse d’influenceurs qui sollicitent Jean-Pierre Duthion. Ce dernier ensuite transmet le message au député Hubert Julien-Laferrière », complète Frédéric Métézeau.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Corruption - Rachid M’Barki

Aller plus loin

Rachid M’Barki licencié par BFMTV, une plainte déposée

Le groupe Altice, propriétaire de BFMTV et RMC, a annoncé le licenciement de Rachid M’Barki, présentateur du journal de la nuit de BFMTV, pour « corruption passive et abus de...

Viré de BFMTV, Rachid M’barki trouve du travail au Maroc

Quelques mois après son licenciement pour faute grave, Rachid M’barki, ex-présentateur franco-marocain du journal de la nuit de BFMTV pose ses valises au Maroc, où il...

Le journaliste Rachid M’Barki sanctionné par BFMTV

La chaîne d’information en continu, BFMTV, a lancé un audit interne après la diffusion de contenus non vérifiés lors de l’émission « Le journal de la nuit » présenté par le...

En larmes, Rachid M’Barki parle d’un « lynchage médiatique »

L’ancien présentateur de BFM TV, Rachid M’Barki, a été convoqué devant une commission d’enquête parlementaire le 2 mars dernier. Cette audition fait suite à son licenciement de...

Ces articles devraient vous intéresser :

Soupçons de corruption par le Maroc au Parlement européen

Le scandale de corruption qui secoue le Parlement européen continue de livrer ses secrets. Le Maroc est, lui, aussi soupçonné d’avoir sollicité des eurodéputés pour qu’ils interviennent en sa faveur notamment sur la question du Sahara.

Parlement européen : le Maroc aurait offert des séjours à la Mamounia

La députée socialiste Marie Arena et l’ex-eurodéputé italien Antonio Panzeri, visés dans le scandale au parlement européen, auraient bénéficié en 2015 d’un séjour de luxe à l’hôtel La Mamounia de Marrakech, tous frais payés par les autorités marocaines.

Corruption au Maroc : les chiffres qui révèlent l’étendue des dégâts

Une étude de l’Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC) dresse un état des lieux préoccupant de la corruption au Maroc.

Maroc : des élus communaux corrompus révoqués

Le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit part en croisade contre la corruption au sein des collectivités territoriales. Il a instruit les walis et gouverneurs à l’effet de révoquer les présidents de communes qui sont en situation de conflits...

Deux fonctionnaires du consulat du Maroc à Barcelone en prison

Accusés de détournement de fonds, deux anciens fonctionnaires du consulat du Maroc à Barcelone ont été placés en détention, mercredi, par le procureur général du Roi près du tribunal des crimes financiers de Rabat.

Le journaliste Rachid M’Barki sanctionné par BFMTV

La chaîne d’information en continu, BFMTV, a lancé un audit interne après la diffusion de contenus non vérifiés lors de l’émission « Le journal de la nuit » présenté par le journaliste Franco-marocain Rachid M’Barki.

Maroc : Vague d’enquêtes sur des parlementaires pour des crimes financiers

Une vingtaine de parlementaires marocains sont dans le collimateur de la justice. Ils sont poursuivis pour faux et usage de faux, abus de pouvoir, dilapidation et détournement de fonds publics.

Maroc : les crimes financiers ont baissé de 47% en 2021

La lutte contre les crimes financiers et économiques au Maroc porte peu à peu ses fruits. En 2021, les affaires liées à ces délits ont fortement régressé de 47,30%, selon le rapport annuel de la présidence du parquet.

Maroc : 217 personnes interpellées grâce à la ligne téléphonique anti-corruption

Lancée il y a trois ans, la ligne téléphonique anti-corruption du Ministère public reçoit plus de 100 appels par jour, selon Ghita Mezzour, ministre de la transition numérique et de la réforme de l’Administration.

L’Europe cherche à punir le Maroc

L’éclatement du scandale de corruption au Parlement européen doublé d’une résolution relevant la détérioration des droits de l’Homme est à l’origine des nouvelles tensions entre le Maroc et l’Europe. Cette dernière cherche-t-elle à punir le royaume ?