La justice française appelée à juger le calvaire d’une Marocaine

22 mai 2025 - 07h00 - France - Ecrit par : P. A

Yasmine Tellal est une Marocaine qui a été exploitée et a subi des violences dans les champs du sud de la France. Elle se bat depuis sept ans pour obtenir justice. Le procès en appel de son ex-employeur s’ouvre ce jeudi devant le tribunal d’Avignon.

Arrivée du Maroc en Espagne à 14 ans, Yasmine avait travaillé dans le prêt-à-porter à Barcelone, puis aux îles Canaries où elle a été responsable d’un magasin. Avec la crise économique de 2008, sa vie bascule. Elle se retrouve au chômage. Un ami lui parle de Laboral Terra, une entreprise d’intérim basée à Murcie qui recrute des femmes pour aller travailler dans des exploitations agricoles du sud de la France. Après avoir échangé via WhatsApp avec les responsables de la société qui lui promettent un salaire intéressant et la rassurent que son transport vers la France, ainsi que son hébergement et sa restauration seront pris en charge sur place, Yasmine et une amie embarquent pour l’Hexagone « pour un an, pas, plus, histoire de se refaire un peu d’argent », relaie le journal l’Humanité.

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À leur arrivée à la gare routière d’Avignon le 31 décembre 2011, leur déception est totale : aucun responsable de Laboral Terra n’était présent pour les accueillir. Elles passeront plus d’une semaine à attendre les responsables de la société. Et puis, c’est la descente aux enfers. Transférées dans les fermes agricoles, elles ont commencé à travailler sans contrat de travail et dans des conditions inacceptables pour un salaire en dessous du Smic. Yasmine et son amie disent avoir été également victimes de violences physiques, de harcèlement et de chantage sexuels. Les deux femmes ont vécu l’enfer pendant sept bonnes années.

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« Un jour, Ahmed, un des responsables de Laboral Terra, m’a ramenée en voiture et puis il s’est arrêté d’un coup au bord de la route et a commencé à m’embrasser de force, à me toucher les seins, à me mettre la main sur son sexe. Je lui ai hurlé d’arrêter, de me ramener chez moi. Il m’a dit : “Si tu couches avec moi quand je te le demande, je te donnerai 300 euros par mois.” J’ai refusé net et il a fini par me ramener à la maison. J’étais sous le choc », confie-t-elle. Pour avoir rejeté les avances de ce responsable, Yasmine est mise à pied et régulièrement prise à partie par d’autres travailleuses complices des responsables. Après une énième attaque dans la douche, elle se cogne la tête et perd connaissance. « Là, je me suis dit que ça ne pouvait plus durer et avec quatre autres personnes, deux femmes et deux hommes, on est allés taper à la porte de la CGT, dont on avait trouvé le numéro sur Internet. »

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Ainsi, en 2017, les cinq portent plainte pour harcèlement sexuel au conseil de prud’hommes d’Arles, puis au tribunal pénal d’Avignon. Yasmine est la seule qui a accepté de témoigner à visage découvert, malgré les violences physiques et psychologiques, menaces de mort et pressions qu’elle a subies après ses dénonciations. Dès le début du procès, Laboral Terra s’est déclarée en faillite pour échapper aux poursuites. Le procès au pénal en appel s’ouvre ce jeudi 22 mai au tribunal d’Avignon. La Marocaine, qui se déplace avec une béquille, entend rappeler à la cour qu’elle et les quatre autres plaignants n’ont jamais été entendus au cours des sept ans de procédures judiciaires. Malgré sa santé fragile, elle est déterminée à aller jusqu’au bout. « De toute façon, j’ai déjà perdu ma santé et ma vie : maintenant je veux mettre mes dernières forces pour gagner cette bataille. »

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