L’hebdomadaire français Marianne (numéro 1407) a été interdit de distribution au Maroc, en raison d’un dessin caricatural jugé offensant pour le prophète Mohammad.
Les récents procès intentés contre des organes de presse indépendants au Maroc ont suscité un vif débat concernant les relations entre la presse et les autorités. La presse indépendante marocaine accuse les autorités de tenter de la museler en faisant en sorte que le système judiciaire applique des amendes financières très élevées. Une accusation que réfutent les autorités, qui dénient toute implication dans cette affaire et soulignent l’existence de lois régissant la liberté d’expression.
Le ministre marocain de la Communication Khalid Naciri a déclaré à Magharebia que "certains journaux ont le droit d’affirmer qu’un tel conflit existe ; après tout, nous sommes dans un pays libre".
"Il n’y a aucune confrontation entre les deux parties ; il y a simplement des actions en justice intentées par des particuliers, le gouvernement n’a lui-même intenté aucune action", explique-t-il.
M. Naciri faisait référence à un procès contre le journal indépendant Al Massae, qui s’est vu contraint de payer six millions de dirhams pour diffamation à l’encontre de quatre procureurs du Roi, dont la cour a tranché qu’ils avaient été accusés d’homosexualité par le journal.
"Un débat est en cours pour tenter de parvenir à une voie conciliante qui emporte l’adhésion de toutes les parties dans le cadre de l’arrêt des violations aux droits des citoyens. L’exercice démocratique dépend du respect par la presse des limites de la moralité", a précisé le ministre.
Le directeur de la publication d’Al Massae Rachid Nini affirme que les relations entre la presse indépendante et le gouvernement n’ont jamais été très bonnes. "Mais au final, c’est la loi qui décide. Le problème au Maroc, c’est que le système judiciaire n’est ni indépendant ni impartial", a-t-il expliqué à Magharebia.
"Les relations tendues entre la presse et les autorités résultent d’une part de frictions entre le système judiciaire et la presse, et d’autre part entre la presse et les autorités, qui utilisent le système judiciaire pour tenter de détruire la presse."
Mohamed Eddaou Siraj, secrétaire général du Syndicat National de la Presse Marocaine (SNPM), a récusé tout conflit intrinsèque entre la presse et l’Etat. Il a néanmoins expliqué à Magharebia que certains excès avaient été commis par ce dernier, et que certains journalistes avaient violé le code de déontologie.
M. Siraj a souligné la nécessité d’un comportement professionnel de la part des journalistes, et d’une meilleure compréhension par les autorités du travail de journaliste. Il a estimé que les procès intentés à des journaux étaient une chose ordinaire, mais a fait part de sa surprise au vu du montant exorbitant des amendes imposées par les tribunaux.
La tension avec l’Etat est "éternelle, en particulier lorsque la presse est juste et objective", a déclaré Ali Nasih, le secrétaire général du Club de la Presse Méditerranéenne du Maroc. "La presse n’accepte pas le statu quo, et, ce faisant, elle embarrasse des autorités." De plus, la presse "s’efforce d’apporter le changement", a-t-il ajouté, "et est donc en conflit avec les autorités. Pour sa part, l’Etat s’efforce de sortir victorieux de ces conflits."
Mohamed Darif, professeur de science politique à in Casablanca, a expliqué à Magharebia : "Le problème principal tient à la compréhension du concept de liberté d’expression. Certains journalistes estiment qu’ils peuvent dire ce qu’ils veulent, parfois au-delà des limites de leur mission. Pour leur part, les autorités comprennent ce principe sous un jour radicalement différent."
Source : Magharebia - Naoufel Cherkaoui
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