La situation des mineurs marocains est insoutenable pour Ceuta, selon le juge

21 juin 2021 - 16h20 - Espagne - Ecrit par : P. A

Un mois après l’arrivée massive des migrants marocains à Ceuta, le juge des mineurs, José Luis Puerta, constate que la situation est insoutenable pour la ville autonome. Pour lui, l’enclave n’était pas préparée à recevoir et à gérer autant de monde, surtout des mineurs.

« Ceuta est une petite ville ; elle n’a pas les moyens d’assumer cette situation », s’alarme José Luis Puerta qui, dès la survenue de la crise le 17 mai, avait visité l’entrepôt de Tarajal, le premier espace aménagé pour accueillir les mineurs. À cette époque, les enfants étaient livrés à eux-mêmes. « Il y avait un manque de coordination entre la police et la ville autonome, on ne savait pas qui était en charge de quoi et les conditions d’hygiène n’étaient pas adéquates », fait savoir le procureur.

Aujourd’hui, la situation s’est un peu améliorée, reconnaît le magistrat qui déplore toutefois les conditions inadaptées des deux autres espaces aménagés par la ville pour recevoir les migrants. « J’ai visité le centre sportif, c’est un pavillon avec des lits et des toilettes mobiles. En tant que situation d’urgence, elle est valable, mais elle ne peut pas être maintenue dans le temps. Vous pouvez être comme ça pendant deux ou trois mois, mais pas plus », explique Puerta.

« Par-dessus tout, je suis préoccupé par les problèmes de surpopulation et de coexistence qui peuvent survenir », ajoute Puerta qui se soucie par ailleurs de l’éducation des mineurs, à quelques mois de la rentrée des classes. « Je ne sais pas comment ça va se faire, mais les enfants doivent aller à l’école », déclare-t-il.

La plupart des familles marocaines, plutôt que de récupérer leurs enfants, ont préféré qu’ils restent en Espagne. Ce qui a compliqué la situation, précise le juge qui déplore aussi le « manque de coopération des autorités marocaines » dans le cadre du retour de ces mineurs au Maroc. « Cela dépend de la volonté du Maroc. Les agents doivent permettre aux parents d’entrer à Ceuta ou de s’approcher de la frontière afin que l’entité publique vérifie que les enfants ne manifestent pas de refus lorsqu’ils voient leurs proches. Cette remise des enfants, avec de bons critères à mon avis, devrait être faite aux parents eux-mêmes et non à la police », soutient Puerta.

À lire : Le désespoir des parents de Dina, une Marocaine bloquée à Ceuta

Puerta dénonce aussi la lenteur de la police dans la procédure préalable au rapatriement des mineurs (examens, inscription au registre officiel et attribution d’un numéro NIE). De sources proches du dossier, la police a examiné 1 108 mineurs, mais n’en a enregistré qu’un peu plus de 200 dans le registre officiel.

Pour le moment, le procureur « ne voit pas de bonne solution » à la situation. « La solution, c’est de les transférer dans la péninsule ou en Europe et de parler avec des entités qui peuvent les prendre en charge, car les administrations publiques n’ont pas assez de capacités », explique-t-il.

À lire : Des mineurs marocains dans une situation déplorable à Ceuta

Au sujet d’Achraf, le migrant marocain de 16 ans, dont l’expulsion à chaud a été enregistrée par le photojournaliste Jon Nazca de l’agence Reuters, et qui a conduit à l’ouverture d’une enquête par le parquet, le juge précise que sur cette vidéo, on voit clairement « les militaires expulser non seulement un mineur, mais plusieurs ». Il revient maintenant à la justice « d’identifier l’auteur et d’étudier la nature de l’acte », ajoute Puerta qui rappelle que « la procédure de rapatriement des mineurs est prévue par la loi et le non-respect peut être un délit ».

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immigration clandestine - Droits et Justice - Ceuta (Sebta)

Aller plus loin

Le juge alerte sur la situation dégradante des migrants mineurs à Ceuta

Le nouveau juge des mineurs, Eduardo Esteban, a dénoncé les mauvaises conditions des migrants mineurs arrivés en masse à Ceuta les 17 et 18 mai. Une situation qui certes « a...

L’Unicef s’inquiète pour les mineurs marocains à Sebta

Face à la situation critique que vivent les mineurs marocains non accompagnés entrés à Sebta en mai dernier, l’Unicef a insisté auprès de l’Espagne pour l’adoption de mécanismes...

Près d’un millier de mineurs marocains toujours présents à Sebta

Environ 810 mineurs marocains se trouveraient toujours dans l’enclave espagnole de Sebta, d’après les autorités locales. Ces mineurs sont actuellement hébergés dans des centres...

Valencia va accueillir 25 mineurs marocains

La Communauté valencienne accueillera 25 mineurs la semaine prochaine dans le cadre de l’opération de répartition de 200 migrants marocains sur les près de 8 000 arrivés en...

Ces articles devraient vous intéresser :

La chanson « Enty » de Sâad Lamjarred devant la justice

Le compositeur Mohamed Rifai a assigné DJ Van en justice à cause de la chanson « Enty » interprétée par Saad Lamjarred en 2014.

Maroc : Vague d’enquêtes sur des parlementaires pour des crimes financiers

Une vingtaine de parlementaires marocains sont dans le collimateur de la justice. Ils sont poursuivis pour faux et usage de faux, abus de pouvoir, dilapidation et détournement de fonds publics.

Naïma Samih : son fils en colère

Chems-Eddine Belkaid fils de la chanteuse marocaine défunte Naïma Samih, menace d’engager des poursuites judiciaires contre les organisateurs de concerts – hommage à sa mère sans son accord préalable.

Ouverture exceptionnelle de la frontière entre le Maroc et l’Algérie

La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.

Les cafés et restaurants menacés de poursuites judiciaires

Face au refus de nombreux propriétaires de cafés et restaurants de payer les droits d’auteur pour l’exploitation d’œuvres littéraires et artistiques, l’association professionnelle entend saisir la justice.

Mohamed Ihattaren rattrapé par la justice

Selon un média néerlandais, Mohamed Ihattaren aurait des démêlés avec la justice. Le joueur d’origine marocaine serait poursuivi pour agression et tentative d’incitation à la menace.

Maroc : un magistrat sévèrement sanctionné

Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire vient d’ordonner la révocation d’un juge exerçant dans un tribunal de première instance, condamné pour corruption. Le magistrat a été pris en flagrant délit, alors qu’il recevait la somme de 500 dirhams de la...

L’affaire "Escobar du désert" : les dessous du détournement d’une villa

L’affaire « Escobar du désert » continue de livrer ses secrets. L’enquête en cours a révélé que Saïd Naciri, président du club sportif Wydad, et Abdenbi Bioui, président de la région de l’Oriental, en détention pour leurs liens présumés avec le...

ADN au Maroc : vers un fichage incontrôlé ?

L’utilisation à des fin illégales des empreintes et des échantillons d’ADN des Marocains, prélevés dans le cadre des enquêtes criminelles, préoccupe des parlementaires qui ont interpelé le gouvernement à ce sujet.

Maroc : les fraudeurs fiscaux bientôt devant la justice

Au Maroc, les fraudeurs fiscaux présumés vont répondre de leurs actes. Les contrôleurs de l’administration fiscale ont transmis leurs dossiers à la justice aux fins de poursuite.