Appel à un débat sérieux sur l’avortement et la sexualité au Maroc

5 avril 2023 - 07h50 - Maroc - Ecrit par : P. A

Au Maroc, les relations sexuelles hors mariage et l’avortement sont deux pratiques interdites par la loi et la religion. Des interdits qui sont pourtant contournés, d’une manière ou d’une autre, estime la sociologue marocaine, Sanaa El Aji El Hanafi, qui appelle à un débat sérieux sur la sexualité pour un changement de mentalités.

Selon la sociologue, célibataire et sans enfant, la sexualité en dehors du mariage « existe » au Maroc, même si elle est « interdite » et « mal vue sur le plan social ». « Les moyens de contraception sont en vente libre. Beaucoup d’enfants naissent hors mariage. Donc, d’un côté, il y a une reconnaissance tacite dans la société que la sexualité existe avant le mariage entre personnes adultes et consentantes. De l’autre, il y a cet article 490 du Code pénal qui interdit les relations sexuelles. C’est absurde et ridicule », déclare-t-elle dans un entretien à Radio Canada.

À lire : Relations hors mariage au Maroc : appel à l’abrogation de l’article 490

Pour Sanaa El Aji El Hanafi, « il faut un débat sérieux sur la sexualité » pour éviter les « interprétations abusives de la loi » et une « ségrégation économique ». « Quand un homme et une femme circulent ensemble dans une voiture, c’est tout à fait permis, mais il peut toujours y avoir un policier qui demande l’acte de mariage… Les gens qui n’ont pas les moyens vont subir davantage ces atteintes aux libertés parce que, quand on a les moyens, on peut se permettre de louer deux chambres d’hôtel. On peut se permettre d’aller dans des hôtels 5 étoiles qui n’exigent pas systématiquement l’acte de mariage », explique-t-elle.

À lire : Le débat sur l’avortement relancé au Maroc

La sociologue fait le même constat pour « l’arrêt volontaire de grossesse » qui ne peut être subie que par les femmes marocaines qui en ont les moyens. « Quand on a les moyens, on peut partir à l’étranger, dans les pays où c’est autorisé, en Europe ou en Tunisie ». « Dans une société comme le Maroc, dès qu’il naît, il est rejeté par la société. Il est semi-rejeté par les lois, parce qu’un enfant né hors mariage peut quand même bénéficier d’une identité depuis 2003. Mais il fera face à beaucoup de difficultés dans sa vie de tous les jours s’il n’a pas été reconnu par le père », détaille Sanaa El Aji El Hanafi, soulignant qu’il est préférable « d’arrêter volontairement une grossesse non souhaitée que de faire subir à une femme une maternité qui n’est pas choisie ».

À lire : Maroc : une pétition contre la pénalisation des relations sexuelles hors mariage

L’auteure du livre « Sexualité et célibat », paru en 2018, estime qu’il faut une bonne dose de « courage politique » et de « sensibilisation » pour mettre en œuvre certaines lois, surtout celles portant sur les libertés sexuelles et les droits des femmes. À l’en croire, même les partis de gauche, « qui se disent libéraux, n’abordent pas de manière frontale ce type de débats ». La sociologue a bon espoir que les choses vont changer, « parce que le débat n’est plus élitiste aujourd’hui… Il est partout sur les réseaux sociaux, dans les médias, dans toutes les couches sociales. Mais ça prendra un peu de temps, peut-être toute une génération ».

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Lois - Femme marocaine - Avortement - Sexualité - Code pénal marocain

Aller plus loin

Une vidéo de dating crée la polémique au Maroc

La Brigade nationale de police judiciaire mène une enquête sur une vidéo à caractère sexuel montrant une jeune Marocaine en train de simuler un programme étranger sur YouTube.

Relations hors mariage au Maroc : appel à l’abrogation de l’article 490

Les membres du collectif 490 sont montés à nouveau au créneau pour réclamer « l’abrogation pure et simple » de l’article 490 qui participe « significativement au sentiment...

Un médecin à la retraite au cœur d’une affaire d’avortements clandestins à Agadir

Un ancien médecin de 65 ans, retraité, a été arrêté lundi après-midi à Agadir, pour son implication présumée dans des actes d’avortement illégaux.

Enquête à Marrakech : le marché clandestin des stimulants sexuels

La police judiciaire de Marrakech a interpellé deux personnes, dont un sexagénaire, qui vendaient des stimulants sexuels, ainsi que leur principal fournisseur. Une enquête est...

Ces articles devraient vous intéresser :

La chanteuse Mariem Hussein au cœur d’une nouvelle polémique

Des internautes marocains se sont indignés des propos de la chanteuse et actrice marocaine Mariem Hussein sur l’éducation sexuelle.

Rapport inquiétant sur les violences faites aux femmes marocaines

Au Maroc, les femmes continuent de subir toutes sortes de violence dont les cas enregistrés ne cessent d’augmenter au point d’inquiéter.

Au Maroc, le hijab plébiscité, les excès rejetés

Une enquête menée par la Fondation Menassat pour les recherches et études sociales révèle qu’une majorité de Marocains sont en faveur du port du voile dans l’espace public.

Cosmétiques contrefaits : une bombe à retardement pour les Marocaines

Nadia Radouane, spécialiste en dermatologie et esthétique, alerte les Marocaines sur les risques liés à l’utilisation des produits cosmétiques contrefaits.

Vers une révolution des droits des femmes au Maroc ?

Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.

Les Marocaines paieront aussi la pension alimentaire à leurs ex-maris

Au Maroc, les femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint pourraient avoir à verser une pension alimentaire (Nafaqa) à ce dernier en cas de divorce, a récemment affirmé Abdellatif Ouahbi, le ministre de la Justice.

Maroc : crise du célibat féminin

Au Maroc, le nombre de femmes célibataires ne cesse d’accroître, avec pour conséquence la chute du taux de natalité. Quelles en sont les causes ?

Maroc : des soupçons d’adultère conduisent à un drame

Le corps sans vie d’une jeune femme a été retrouvé au domicile de sa famille dans les environs de Berrechid. Soupçonné d’homicide, son mari en fuite a été arrêté par les éléments de la Gendarmerie royale relevant du centre territorial de Deroua.

Ramadan et menstrues : le tabou du jeûne brisé

Chaque Ramadan, la question du jeûne pendant les menstrues revient hanter les femmes musulmanes. La réponse n’est jamais claire, noyée dans un tabou tenace.

Les Marocaines pénalisées en cas de divorce ?

Des associations féminines sont vent debout contre la réforme d’Abdelatif Ouahbi, ministre de la Justice, imposant aux femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint de verser une pension alimentaire à leurs ex-maris après le divorce.