Najat se souvient encore de ce jour d’octobre 2008 où son frère Youssef, 16 ans, est parti de la maison familiale à Sidi Ifni au Maroc, pour rejoindre les îles Canaries par bateau, en compagnie de quelques amis. « On pensait qu’il était allé au champ avec ses grands-parents », raconte-t-elle à El Diario. Najat a été informée par le consulat du Maroc aux îles Canaries de l’accident de son frère et s’est aussitôt rendue à son chevet.
Le mineur a passé à peine 20 jours à Nivaria, un centre de mineurs situé à La Esperanza, avant sa chute mortelle. « Il était au deuxième étage. Un de ses amis m’a dit qu’il s’est disputé avec un autre mineur qui voulait le forcer à fumer et à se droguer. C’est là qu’il est tombé par la fenêtre », explique Najat, en pleurs, ajoutant que son frère a passé un an dans le coma à l’hôpital universitaire (CHU) des îles Canaries, à Tenerife, avant de rendre l’âme le 14 février 2010.
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Najat a été informée de son décès alors qu’elle était retournée à Sidi Ifni pour voir leurs parents après un an de séparation. « Ils m’ont appelé et m’ont dit que mon frère était mort. Je ne comprenais pas. Pourtant, quand je l’ai quitté, il respirait encore », confie-t-elle. Après l’enterrement de Youssef à Sidi Ifni, Najat est retournée en Espagne pour réclamer justice. Depuis 14 ans, elle cherche à « découvrir ce qui est arrivé à Youssef ». Sans succès.
L’organisation Human Right Watch avait alerté dans un rapport publié en 2006 sur les cas « graves d’abus et de mauvais traitements » dans ce centre de mineurs de Nivaria. « Les mineurs ont décrit ce deuxième étage comme une cellule de punition, où ils ont été battus et enfermés pendant plusieurs jours », a dénoncé HRW. En 2010, le parquet provincial de Santa Cruz de Tenerife a requis cent ans de prison contre deux directeurs de ce centre pour torture et mauvais traitements.