Le droit des femmes à l’héritage, une question encore taboue au Maroc

16 avril 2023 - 16h20 - Maroc - Ecrit par : P. A

Le droit à l’égalité dans l’héritage reste une équation à résoudre dans le cadre de la réforme du Code de la famille au Maroc. Les modernistes et les conservateurs s’opposent sur la reconnaissance de ce droit aux femmes.

Bien que la Constitution marocaine de 2011 ait consacré le principe de l’égalité entre hommes et femmes, la réalité est tout autre en matière d’héritage. Le Parti Justice et développement (PJD) est le premier à s’opposer à ce projet de réforme. Fin février, le parti islamiste qualifiait ces revendications d’égalité de « développement périlleux », estimant qu’elles constituent une « menace pour la stabilité nationale » et pourraient « affaiblir l’un des piliers de la paix sociale et familiale ». Quelques jours après, un groupe de travail a publié « Libertés fondamentales », un recueil de propositions en faveur des libertés individuelles, notamment sur l’égalité entre hommes et femmes dans l’héritage, rapporte le journal belge Le Soir.

À lire : Le PJD en colère contre le nouveau Code de la famille

« Malgré des lectures théologiques qui tendent vers une équité pleine dans l’héritage, la règle selon laquelle un homme perçoit le double de la part d’une femme dans la succession continue d’être considérée comme sacrée au Maroc », renseigne l’avocate Ghizlaine Mamouni. Mais la règle du ta’sib, un héritage par agnation (la parenté par les mâles) est la plus décriée. Selon cette règle prévue dans le Code de la famille, les plus proches parents (frères et cousins germains) d’un défunt qui n’a pas de fils, deviennent ses héritiers. « Le ta’sib ne tient pas sa source dans le Coran, mais dans certains courants spécifiques du fikh (jurisprudence, NDLR) islamique », poursuit l’avocate et présidente de l’association Kif Baba Kif Mama.

À lire : Code de la famille : près de 8 Marocains sur 10 pour une réforme basée sur le charia

Et d’ajouter : « Il se justifiait par le fait qu’à une certaine époque, seuls les hommes avaient des obligations et des responsabilités dans la prise en charge de la famille ». Mais la société a bien évolué. Selon le Haut-Commissariat au plan (HCP), 16,7 % des ménages étaient dirigés par des femmes en 2020. Le ta’sib est une règle « désuète » et « incompatible avec les nouvelles réalités sociales », tranche l’ancienne ministre Nouzha Skalli qui dénonce cette « injustice particulièrement flagrante ». Pour elle, cette disposition pénalise surtout les femmes, « et notamment les plus précaires » qui se retrouvent du jour au lendemain « chassées de leur maison ou privées de leurs biens au profit de personnes parfois qu’elles ne connaissent même pas ».

À lire : Réforme du Code de la famille : voici les modifications majeures attendues

Dans son discours du Trône prononcé fin juillet 2022, le roi Mohammed VI a ouvert la voie à une révision globale du Code pénal et du Code de la famille (Moudawana) déjà révisé en 2004, pour instaurer davantage d’égalité entre hommes et femmes. Mais au plan politique, le « manque de courage » sur cette question rend pessimiste Ghizlaine Mamouni, « Les partis politiques semblent attendre un arbitrage royal sur la moudawana, à travers la mise en place, comme en 2004, d’une commission royale. Mais attendre, c’est laisser encore plus longtemps des femmes et des enfants vivre dans des situations de précarité et d’injustice », déplore-t-elle.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Droits et Justice - Moudawana (Code de la famille) - Femme marocaine

Aller plus loin

Code de la famille : près de 8 Marocains sur 10 pour une réforme basée sur le charia

À l’heure où la réforme du Code de la famille fait débat, un sondage réalisé par Afrobaromètre révèle que près de 8 Marocains sur 10 appellent à une réforme basée sur la loi...

Le PJD tacle le CNDH pour sa remise en cause de la loi sur l’héritage

Le Parti de la justice et du développement (PJD) condamne et dénonce les propos de la présidente du CNDH, Amina Bouayach, selon lesquels, le système de l’héritage tel...

Réforme du Code de la famille : voici les modifications majeures attendues

Le roi Mohammed VI a annoncé récemment à la réforme du Code de la famille, près de 20 ans après son adoption, en vue d’instaurer davantage d’égalité entre les hommes et les...

Le PJD en colère contre le nouveau Code de la famille

Le parti de la justice et du développement (PJD) dirigé par Abdelilah Benkirane, affiche son opposition à la réforme du Code de la famille. Du moins, pour certaines propositions.

Ces articles devraient vous intéresser :

L’actrice Malika El Omari en maison de retraite ?

Malika El Omari n’a pas été placée dans une maison de retraite, a affirmé une source proche de l’actrice marocaine, démentant les rumeurs qui ont circulé récemment sur les réseaux sociaux à son sujet.

Maroc : les fraudeurs fiscaux bientôt devant la justice

Au Maroc, les fraudeurs fiscaux présumés vont répondre de leurs actes. Les contrôleurs de l’administration fiscale ont transmis leurs dossiers à la justice aux fins de poursuite.

Love is Blind, Habibi : un candidat irakien insulte les Marocaines

L’émission de téléréalité « Love is Blind, Habibi », sur Netflix, fait face à une vague de critiques suite aux propos tenus par un candidat irakien, Khatab, à l’encontre des Marocaines. Lors d’une interview radio, celui-ci a tenu des propos moqueurs...

Maroc : des biens et des comptes bancaires de parlementaires saisis

Au Maroc, les parquets des tribunaux de première instance ont commencé à transmettre aux nouvelles chambres chargées des crimes de blanchiment d’argent les dossiers des présidents de commune et des parlementaires condamnés pour dilapidation et...

L’appel des chrétiens marocains

La communauté chrétienne au Maroc a réitéré, à l’occasion de la célébration de la fête de Noël, sa demande d’abrogation de l’article 220 du Code pénal et de la dépénalisation du prosélytisme.

Vers une révolution des droits des femmes au Maroc ?

Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.

Poupette Kenza : compte Instagram désactivé après des propos « antisémites »

L’influenceuse aux plus d’un million d’abonnés sur Instagram, Poupette Kenza, se retrouve au cœur d’une vive controverse après avoir tenu des propos jugés antisémites. Dans une story publiée le 15 mai 2024, elle affirmait sans équivoque son soutien à...

Un MRE expulsé après 24 ans en France

Un ressortissant marocain de 46 ans, résidant en France depuis 24 ans, a été expulsé en février dernier, suscitant l’émoi et soulevant des questions quant à l’application de la loi Darmanin sur l’immigration.

Sentiment d’insécurité au Maroc : un écart avec les statistiques officielles ?

Au Maroc, la criminalité sous toutes ses formes est maitrisée, assure le ministère de l’Intérieur dans un récent rapport.

Les cafés et restaurants menacés de poursuites judiciaires

Face au refus de nombreux propriétaires de cafés et restaurants de payer les droits d’auteur pour l’exploitation d’œuvres littéraires et artistiques, l’association professionnelle entend saisir la justice.