« Au Maroc, trois sujets sont tabous : Dieu, le roi et le Sahara. Par conséquent, la plupart des jeunes Marocains ne proclament pas ouvertement leur athéisme ou leur agnosticisme. Cela entraîne trop de conséquences sociales », estime l’anthropologue Lena Richter de l’Université Radboud de Nimègue aux Pays-Bas qui a mené une recherche sur le rôle central de la religion au sein de la société marocaine. En tout, 50 jeunes (âgés de 18 à 35 ans) athées et agnostiques instruits issus de la classe moyenne urbaine au Maroc et en Europe ont été interrogés dans le cadre de l’étude.
À lire : L’Islam visible, une hantise française ?
Il ressort des entretiens que les opinions non religieuses s’expriment principalement indirectement dans des actions subtiles qui ne s’alignent pas avec le modèle de comportement du bon musulman, défiant ainsi les normes établies. À titre d’exemple, « une personne peut choisir de se faire tatouer, de boire occasionnellement du vin, de fréquenter des bars, de ne pas jeûner pendant le ramadan ou de plaisanter sur l’islam sur les réseaux sociaux », explique Richter. Elle ajoutera : « Cela implique également l’abandon de certaines pratiques religieuses, comme ne plus prier ou ne plus fréquenter la mosquée ».
À lire :Islamophobie : l’UE décidée à « construire l’Europe de demain » (vidéo)
Malgré le manque d’appréciation pour les opinions non religieuses, ces violations mineures des règles, il existe une certaine forme de tolérance sociale et familiale envers ces pratiques. « Les opinions non religieuses ne sont pas appréciées, mais tant que la personne n’en fait pas grand cas, les membres de son réseau ne le feront pas non plus », explique encore la chercheuse. Selon elle, il peut dans une certaine mesure être plus facile d’être non-croyant au Maroc qu’en Europe. Au Maroc, un non-croyant opère à partir d’une position minoritaire. Mais en Europe – où les Marocains sont déjà une minorité et où les musulmans sont victimes de discrimination – les Arabes non-croyants sont fréquemment manipulés à des fins électorales par des partis de droite pour critiquer l’islam et le dénaturer, signale l’étude.
À lire : De la stigmatisation à la mobilisation : le combat contre l’islamophobie à Roubaix
Les débats autour de l’athéisme sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux, notamment parmi la jeunesse marocaine. « Sur les réseaux sociaux, on voit émerger des discussions sur la foi parmi les jeunes Marocains », fait remarquer l’universitaire. Elle a en outre précisé que les Marocains non religieux présentent diverses nuances, influencées par leurs origines familiales et leur propre parcours. Alors que certains conservent un lien avec l’islam à travers notamment la célébration du Ramadan en famille, d’autres adoptent des positions plus tranchées à l’égard de la religion.