Le gouvernement marocain, via son porte-parole Mustapha Baitas, a annoncé une révision de l’Impôt sur le revenu (IR) avec pour objectif d’augmenter les revenus des employés et fonctionnaires.
Les consulats marocains à l’étranger reconnaissent l’utilisation d’une « liste de prénoms autorisés par le ministère de l’Intérieur ». Au Maroc, l’interdiction de certains prénoms amazighs est actuellement contestée devant des tribunaux administratifs.
L’affaire a fait grand bruit ces derniers jours aux Pays-Bas. Dans son édition du 28 janvier 2008, le quotidien néerlandais Trouw affirme que le Maroc a récemment envoyé des instructions à l’ensemble de ses services consulaires afin d’interdire les prénoms amazighs. Une mesure qui toucherait directement la communauté néerlando-marocaine, dont la plupart des membres sont originaires du Rif.
Selon Idris Bajdi, un « haut responsable marocain » cité par le quotidien, le Maroc interdit les prénoms berbères « parce qu’ils sont incompatibles avec l’identité marocaine, et parce qu’ils ouvrent la porte à une prolifération de prénoms dépourvus de sens ».
Cette décision scandalise Samira Bouchibti. Dans les colonnes de Trouw, la députée néerlando-marocaine du Parti travailliste s’insurge : « Nous devons nous débarrasser de ces listes de prénoms et de cette ingérence. Je veux pouvoir décider toute seule du nom que je donne à mes enfants. C’est discriminatoire ! ».
Au consulat marocain d’Amsterdam, on dément formellement avoir reçu de telles instructions. Un fonctionnaire de l’état civil reconnaît cependant que le ministère de l’Intérieur leur envoie régulièrement une liste actualisée -mais « pas exhaustive »- des prénoms autorisés afin qu’ils puissent appliquer « les dispositions en vigueur ».
Le consulat de Bruxelles reconnaît également l’existence de cette liste, mais assure que les Marocains qui le souhaitent peuvent choisir des prénoms amazighs « si le sens du prénom est conforme à la loi ». A l’ambassade du Maroc à Paris, on est un peu plus explicite : les Marocains qui viennent déclarer la naissance de leurs enfants « doivent regarder la liste et vérifier que le prénom choisi est autorisé ».
On nous indique même que la liste est à la disposition du public sur le site internet du ministère marocain des Affaires étrangères. En effet, dans la rubrique “Action consulaire”, un fichier PDF intitulé Liste des prénoms approuvés par le ministère de l’Intérieur recense les prénoms “litigieux” autorisés ou refusés par la Haute commission de l’Etat civil. Mais le document de 18 pages est en grande partie incomplet ou illisible.
Actualité
En mai 2008, le ministre de l’Intérieur, Chakib Benmoussa, avait pourtant affirmé devant la Chambre des Représentants « qu’il n’existe aucune liste limitative pour la liberté des citoyens en la matière ».
Les “listes Basri” établies en 1996, annulées par un dahir de 2002, seraient donc toujours d’actualité. Et les ambassades et consulats marocains à l’étranger ne sont pas les seuls concernés. Au Maroc, les exemples de refus de prénoms sont légion. Si Sarah a été refusé il y a trois ans à Meknès à cause de sa connotation juive, les cas les plus polémiques -et qui ont souvent gain de cause devant les tribunaux administratifs- concernent les prénoms amazighs.
Le recteur de l’IRCAM, Ahmed Boukouss, affirme cependant que ces refus sont le fait d’initiatives personnelles et localisées. « La question a été discutée entre l’IRCAM et le ministère de l’Intérieur. On nous a assuré que les listes ont été retirées des services d’état civil. Je pense donc que dans certaines régions, certains fonctionnaires continuent d’appliquer les anciennes circulaires. Mais même si c’est le cas, tout citoyen a le droit de déposer un recours devant les juridictions compétentes ».
Injonction
Une démarche judiciaire longue et coûteuse qui décourage bon nombre de Marocains. Certains préfèrent se plier aux injonctions des officiers de l’état civil et choisissent un prénom plus “consensuel”, quitte à appeler leur enfant autrement dans la vie de tous les jours. D’autres n’hésitent pas à graisser la patte des fonctionnaires pour voir leur demande aboutir. Il faut dire que ces derniers ont une grande latitude pour accepter ou refuser tel ou tel prénom.
L’avocat Ahmed Arehmouch, président du Réseau amazigh pour la citoyenneté (Azetta), parle, lui, de véritable « discrimination raciale ». Les refus que subissent certains Marocains amazighs sont, selon lui, autant de messages envoyés par les autorités, qui « tentent d’arabiser les mentalités ». « J’ai actuellement deux dossiers, à Meknès et à Rabat, où les services de l’état civil ont refusé d’accorder des prénoms amazighs alors que ces derniers remplissaient toutes les conditions prévues par la loi ».
Le cas de Meknès est particulièrement révélateur. En août 2008, Driss Bouljaoui se rend au bureau de l’état civil pour faire enregistrer la naissance de son fils, qu’il souhaite appeler Sifaw (équivalent berbère de prénoms arabes comme Mounir, Moudie ou Mochrik). Refus catégorique du fonctionnaire : deux circulaires de 2005 et 2006 envoyées par le ministère de l’Intérieur indique que le prénom Sifaw a été rejeté par la Haute commission de l’état civil. Pire, le bureau d’état civil refuse de lui délivrer un reçu prouvant qu’il est bien venu dans les délais légaux pour faire inscrire son enfant. Driss sera obligé de recourir à un huissier pour faire constater ce refus.
L’affaire ne s’arrête pas là. En septembre 2008, Driss dépose une requête devant le tribunal administratif pour faire annuler l’interdiction. Lors des audiences qui suivent, le ministère de l’Intérieur se voit obligé de verser au dossier les fameuses circulaires de 2005 et 2006. Grâce à « un dossier bien ficelé au niveau juridique », Driss espère donc que le tribunal lui donnera enfin raison. La dernière audience devait avoir lieu jeudi 5 février 2009.
Une décision en sa faveur mettrait fin à six mois d’imbroglio judiciaire aux conséquences fâcheuses. Né le 30 juillet 2008, son fils n’a toujours pas de prénom et n’est toujours pas inscrit à l’état civil. « Il n’a aucune personnalité juridique, déplore Driss. C’est un clandestin chez lui ! Il ne peut pas bénéficier des allocations familiales, du remboursement des médicaments, etc. ».
De fait, aux yeux de la loi, son fils n’existe pas. Si la justice marocaine annule le refus de l’état civil, ce dont il ne doute plus, Driss Bouljaoui promet qu’il n’en restera pas là. Il envisage déjà d’entamer une autre procédure contre l’Etat pour réclamer des dommages et intérêts...
Source : Maroc Hebdo - Christophe Guguen
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