Maroc : la tranquillité de l’oasis de Figuig menacée

27 mars 2021 - 23h20 - Maroc - Ecrit par : G.A

Les habitants de Figuig, une oasis historique enclavée aux confins du Maroc et de l’Algérie, font les frais des tensions entre les deux pays. Depuis le mercredi 17 mars, des militaires algériens ont été déployés pour bloquer les passages quotidiens des cultivateurs marocains, qu se disent dégâts collatéraux d’une guerre qui ne les concerne en rien.

« Cette terre, on la cultive de père en fils, depuis des générations », dit fièrement Abdelmajid Boudi, en montrant les jardins verdoyants de l’oasis de Figuig, vestiges de la grandeur passée de cet ancien carrefour caravanier en plein déclin, à la frontière du Maroc et de l’Algérie. A 62 ans, il vit depuis des années de la culture de ses dattes sur deux parcelles situées au cœur du « ksar » de Zenaga, un des quartiers de l’oasis, aux confins des montagnes de l’Atlas et du désert saharien. Dans les champs, la récolte des fruits se fait à la main. Les cultivateurs grimpent en haut des arbres pour travailler debout, en équilibre sur les palmes des dattiers, rapporte Challenges

En plus de la culture des dattes, Abdelmajib Boudi exerce aussi la fonction cruciale d’aiguadier. Il est chargé de la répartition de l’eau entre les abonnés, via un réseau complexe d’irrigation hérité du passé. Il ne se voit plus travailler ailleurs que sur ses terres, héritage ancestral. C’est le même refrain chez Rajae Boudi, qui est enseignante ailleurs mais revient toujours se ressourcer. « Les gens d’ici sont liés à leur terre, nos veines sont irriguées par nos racines », assure-t-elle.

Depuis quelques années, de nombreux habitants ont déserté l’oasis. Selon des études, « près du tiers des jardins sont en friche, près de la moitié de ses 2000 maisons anciennes sont dégradées ou en ruines ». Mais ce n’est pas pour autant qu’ils oublient de contribuer au développement de l’oasis. Selon Mustapha Lali, un historien élu à la municipalité de Figuig de 1992 à 2016, ils investissent fréquemment dans de nouvelles plantations de palmiers-dattiers autour du périmètre historique.

A Zenaga, la communauté est très soudée et vit à l’état naturel. Pour sortir, les femmes se drapent dans des haïks de coton blanc. À la saison des grands froids, les hommes portent des burnous de laine tissée à la main. La langue parlée est l’amazigh. « On a gardé notre langue, on a résisté à tout », souligne Mohamed Djilali, le président d’une association locale. Malheureusement, les différends diplomatiques entre le Maroc et l’Algérie entraînent des expulsions de cultivateurs marocains de leurs « terres ancestrales » situées côté algérien, explique Challenges.

Il s’agit de 1 500 hectares de cultures desservies par le réseau électrique marocain et irriguées par pompage de la nappe phréatique qui viennent s’ajouter aux spoliations précédentes recensées par le Maroc depuis 1955 touchant 130 000 palmiers sur 2 000 hectares de terre répartis dans 23 secteurs frontaliers proches. « Les palmiers seuls font vivre les familles, cette nouvelle perte va aggraver la situation économique », s’inquiète, pour sa part, Mustapha Lali.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Agriculture - Expulsion - Figuig - Frontières Maroc - Algérie

Aller plus loin

Algérie : vers une issue favorable pour les agriculteurs marocains ?

Le gouverneur de la province de Figuig tente de trouver une issue favorable aux agriculteurs marocains sommés d’évacuer, jeudi 18 mars, les exploitations de champs de...

L’armée algérienne menace les agriculteurs marocains

Les services de sécurité algériens ont donné un ultimatum aux agriculteurs marocains pour évacuer jeudi 18 mars les exploitations de champs de palmiers-dattiers sises dans la...

L’oasis de Skoura se meurt

Située dans la région du Haut Atlas, l’oasis de Skoura est en danger à cause des effets du changement climatique, selon des spécialistes. Elle est l’une des rares encore habitée...

Les oasis marocaines en péril

Le Parlement marocain appelle à protéger les oasis de la région de Tata et d’autres régions du pays menacées par les incendies chaque été. Le groupe parlementaire du Parti...

Ces articles devraient vous intéresser :

Un MRE expulsé après 24 ans en France

Un ressortissant marocain de 46 ans, résidant en France depuis 24 ans, a été expulsé en février dernier, suscitant l’émoi et soulevant des questions quant à l’application de la loi Darmanin sur l’immigration.

Le Maroc s’oppose catégoriquement à la décision de la Cour de justice européenne

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu vendredi une décision concernant les accords agricoles et de pêche entre l’UE et le Maroc. Rabat conteste fermement cette décision, la jugeant non applicable et entachée d’erreurs.

Le Maroc sort l’artillerie lourde pour défendre ses fruits et légumes

Le Maroc a décidé de muscler son jeu pour défendre ses agriculteurs sur la scène européenne. L’ambassade du Maroc à Madrid vient de faire appel à un cabinet de conseil espagnol, Acento Public Affairs, pour faire entendre sa voix auprès des institutions...

Casablanca : des champs irrigués aux eaux usées

Les éléments de la Gendarmerie royale de la préfecture de Nouaceur relevant de la région de Casablanca-Settat ont procédé dimanche à la saisie des pompes à eaux illégalement installées par certains agriculteurs pour irriguer leurs terres agricoles avec...

Les dattes algériennes dangereuses pour la santé ?

L’inquiétude enfle quant à la qualité des dattes algériennes importées au Maroc. Dr. Hassan Chtibi, président de l’Association de protection du consommateur, alerte sur les risques sanitaires liés à la consommation de ce produit prisé par les Marocains.

Intermarché bannit la fraise marocaine

Afin de valoriser des produits de saison et du terroir français, le groupement Les Mousquetaires, qui chapeaute les enseignes Intermarché et Netto, a pris une décision radicale : bannir les fraises et les cerises de ses étals durant les mois de...

Maroc : record d’exportations d’avocat, mais à quel prix ?

Les agriculteurs marocains continuent de produire de l’avocat destiné à l’exportation, malgré le stress hydrique que connaît le royaume. Le volume des exportations de ce produit a déjà atteint 30 000 tonnes.

Les Marocains vont-ils manquer de dattes pour le Ramadan ?

À quelques semaines du mois sacré de Ramadan, des doutes subsistent quant à la disponibilité des dattes en quantité suffisante et à des prix abordables.

L’avocat : l’or vert qui assoiffe le Maroc

La culture de l’avocat nécessite une importante quantité d’eau. Au Maroc, des voix s’élèvent pour appeler à l’interdiction de cette culture, en cette période de sécheresse sévère et de stress hydrique.

Le Maroc contraint de réorienter sa production agricole

Face à la sécheresse et au stress hydrique d’une part, et à l’inflation d’autre part, le gouvernement marocain est contraint de revoir sa politique agricole et alimentaire pour garantir l’eau et le pain.