Pastèque : en Espagne, on dénonce l’invasion marocaine

3 août 2024 - 18h00 - Espagne - Ecrit par : P. A

Après avoir fait don de 80 000 kilos de pastèques l’année dernière en raison de la concurrence marocaine, Manuel Puertas, un agriculteur espagnol, a décidé cette année de changer de culture et de produire des tomates et des concombres.

Plutôt que de laisser pourrir ces pastèques dans les serres à cause de la mévente, Manuel a préféré en faire don l’année dernière. Originaire de Motril (Grenade), il fait partie des agriculteurs espagnols qui ont subi l’invasion des produits marocains, proposés à des prix réduits sur le marché espagnol et européen. L’agriculteur a enregistré une perte de 30 000 euros en raison de cette concurrence féroce du Maroc. « J’avais 15 000 mètres plantés de pastèques, soit près de 110 000 kilos au total. La création de cette ferme m’a coûté 45 000 euros… Finalement, j’ai dû donner 80 % de la production », rappelle à El Español celui qui, il y a un an, avait dénoncé cette situation dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux.

À lire : Un Espagnol offre ses pastèques pour dénoncer « l’invasion » marocaine

En 2023, les prix de la pastèque ont chuté de 50 % par rapport à 2022 en Espagne, ce qui avait contraint de nombreux agriculteurs à vendre à perte. Selon l’organisation COAG, ces derniers ont dû vendre à 0,20 ou 0,30 euros le kilo, un montant qui ne leur permettait pas de couvrir les coûts de production. « Nous ne devons jamais vendre en dessous du coût de production. Nous devons refuser », s’offusque Puertas qui assure ne pas regretter sa décision de renoncer à la culture de la pastèque pour éviter la faillite et d’essayer d’autres cultures. « Je paie encore les pertes de l’année dernière… Cette année, je n’ai planté que des tomates et des concombres hollandais. Sinon, je vais complètement sombrer ».

À lire : Espagne vs Maroc : la guerre des tomates s’intensifie

Manuel a produit ses tomates à 0,65 euro, mais les a vendues à 0,42 euros, donc à perte. En revanche, il a gagné sur la production du concombre, vendu à 0,80 euro sur le marché, alors que la production lui a coûté entre 0,45 et 0,75 euro. « Nous dépendons beaucoup des conditions météorologiques, de l’arrivée précoce du froid et de la baisse de la production. Le problème que nous rencontrons en Espagne est qu’il existe une concurrence déloyale du Maroc. Ils utilisent des produits qui sont interdits en Espagne depuis 20 ans. Ici, une personne est payée 7 euros de l’heure, plus la sécurité sociale ; là-bas, elle travaille pour 5 euros par jour. C’est du travail déloyal, de l’exploitation », dénonce l’agriculteur de Motril.

À lire : Tomates en Europe : Le Maroc en plein essor, l’Espagne en déclin

Et de poursuivre : « En septembre, la tomate était vendue à 1,20 euro. Après les grèves, avec la fermeture des frontières, nous avons à peine exporté. Comme il y a beaucoup de production du Maroc, le marché est encombré, et comme ils l’achètent à très bas prix, nous avons dû baisser les prix ». Dénonçant cette « concurrence déloyale » du Maroc, Manuel Puertas insiste sur l’importance d’indiquer sur l’étiquette des produits qui arrivent sur le marché, non seulement leur origine, mais aussi le prix qui revient à l’agriculteur. « Si le distributeur vend le produit à 3 euros, il devrait indiquer ce qu’il a payé à chacun, afin de voir qui obtient la différence. S’il me paie 0,40 euro, mais que le produit est vendu 5,20 euros, où est le bénéfice et qui en profite ? »

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Espagne - Agriculture - Motril

Aller plus loin

Un Espagnol offre ses pastèques pour dénoncer « l’invasion » marocaine

Un agriculteur de Motril a décidé de donner près de 100 tonnes de pastèques en raison de l’effondrement des prix et de l’invasion de produits marocains.

Le Maroc exporte ses pastèques en masse, malgré le manque d’eau

Malgré les interdictions des cultures gourmandes en eau comme la pastèque dans plusieurs régions, le Maroc continue d’exporter ce fruit, se hissant en tête des exportateurs vers...

Maroc : vers l’interdiction de la culture de pastèque ?

En raison de la sécheresse intense, la grave pénurie d’eau et de la qualité des fruits, le ministère de l’Intérieur a décidé de la suspension temporaire de la culture de la...

Espagne vs Maroc : la guerre des tomates s’intensifie

Les agriculteurs espagnols continuent de dénoncer les facilités accordées par l’Union européenne (UE) au Maroc pour importer sur le marché communautaire de la tomate et d’autres...

Ces articles devraient vous intéresser :

Pastèques marocaines : une dégringolade des exportations vers l’Europe

Les exportations marocaines de pastèque ont enregistré une baisse inquiétante au premier semestre de l’année 2024 en raison de la faible demande des pays européens. Une situation qui affecte les exportateurs, déjà confrontés à la réduction de la...

Camions attaqués en Europe : le Maroc hausse le ton

Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a dénoncé lundi les récentes attaques d’agriculteurs européens contre des cargaisons de fruits et légumes marocains, faisant observer que l’Union européenne (UE) tire davantage profit de...

Tomate au Maroc : production en chute, prix en hausse

Les producteurs de tomates rondes au Maroc alertent sur une baisse significative de la production et une inflation des prix. Voici leur explication.

Maroc : la pastèque sacrifiée pour préserver l’eau ?

Des associations locales de la province d’Al Haouz ont sollicité Rachid Benchikhi, le gouverneur de la province, pour qu’il interdise la culture de pastèques et de melons.

Maroc : la quête d’autosuffisance en dattes face aux défis climatiques

Le Maroc est le septième producteur mondial de dattes, avec un volume de 170 000 tonnes par an. Toutefois, des défis restent à relever pour le développement de la filière et satisfaire la demande nationale.

Maroc : les exportations de pastèques en chute libre

Les exportations marocaines de pastèques ont connu une baisse record au cours des dix premiers mois de 2024, atteignant seulement 113 500 tonnes, soit le niveau le plus bas depuis 2017. La sécheresse persistante et les restrictions de culture dans...

Les Marocains vont-ils manquer de dattes pour le Ramadan ?

À quelques semaines du mois sacré de Ramadan, des doutes subsistent quant à la disponibilité des dattes en quantité suffisante et à des prix abordables.

Intermarché bannit la fraise marocaine

Afin de valoriser des produits de saison et du terroir français, le groupement Les Mousquetaires, qui chapeaute les enseignes Intermarché et Netto, a pris une décision radicale : bannir les fraises et les cerises de ses étals durant les mois de...

L’avocat : l’or vert qui assoiffe le Maroc

La culture de l’avocat nécessite une importante quantité d’eau. Au Maroc, des voix s’élèvent pour appeler à l’interdiction de cette culture, en cette période de sécheresse sévère et de stress hydrique.

Alerte au miel « aphrodisiaque » en vente au Maroc

Du « miel aphrodisiaque » ou du « miel de virilité » inonde le marché marocain et inquiète le Syndicat des professionnels de l’apiculture au Maroc.