Les chrétiens marocains contraints de vivre leur foi en secret

14 mai 2023 - 13h10 - Maroc - Ecrit par : P. A

Les chrétiens marocains sont rejetés par leurs familles et la société. Bien que la Constitution de 2011 garantisse la liberté de conscience, la pratique d’une religion autre que l’islam sunnite est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison.

Au Maroc, pays à tradition musulmane, les Marocains chrétiens n’ont d’autre choix que de vivre selon les rites musulmans. Ils doivent nécessairement se conformer aux obligations coraniques concernant le mariage, la dot, la répudiation, la polygamie, l’héritage, etc. De la même manière, ils ne peuvent pas donner des noms de saints chrétiens à leurs enfants et doivent recevoir l’enseignement islamique, obligatoire dans toutes les écoles du royaume et à tous les niveaux. « Le pire de tout, c’est le rejet et la stigmatisation sociale auxquels nous nous exposons ; beaucoup d’entre nous ont même perdu leur emploi », confie Saïd, secrètement baptisé David, à Omnes Mag.

À lire : Rapport américain : 8000 Marocains sont chrétiens, une majorité sont Amazighs

Selon un rapport du Département d’État américain, le Maroc compterait près de 8 000 chrétiens (catholiques, orthodoxes et évangéliques), contraints de vivre leur foi en secret, chez eux, dans ce qu’ils appellent des « églises domestiques ». Il existe actuellement deux diocèses dans le royaume, dirigés par deux archevêques espagnols : le cardinal Cristóbal López Romero, salésien, responsable de l’archevêché de Rabat, et Emilio Rocha Grande, franciscain, récemment consacré archevêque de Tanger. De nombreux religieux sont présents dans les foyers, les orphelinats, les centres de promotion de la femme et autres instituts confessionnels disséminés dans le royaume. « Nous sommes ici pour montrer la beauté du christianisme à travers la charité », déclare un franciscain en service à la Croix-Blanche de Tanger.

À lire : Chrétiens du Maroc, entre persécution et tolérance

L’article 220 du Code pénal marocain prévoit des peines de six mois à trois ans de prison pour toute personne qui « Quiconque, par des violences ou des menaces, a contraint ou empêché une ou plusieurs personnes d’exercer un culte, ou d’assister à l’exercice de ce culte, est puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 200 à 500 dirhams. Est puni de la même peine, quiconque emploie des moyens de séduction dans le but d’ébranler la foi d’un musulman ou de le convertir à une autre religion, soit en exploitant sa faiblesse ou ses besoins, soit en utilisant à ces fins des établissements d’enseignement, de santé, des asiles ou des orphelinats… ».

Pourtant, Rabat a signé plusieurs traités internationaux sur les droits de l’homme qui l’obligent à respecter la liberté religieuse et de conscience de ses citoyens. « La liberté religieuse et de conscience sont indissociablement liées à la dignité humaine », insistait le Pape François, lors de sa visite à Rabat en 2019, en présence du roi Mohammed VI. « Je suis garant de la protection des juifs marocains et des chrétiens étrangers vivant au Maroc », avait répondu le monarque marocain.

À lire : Le Maroc, 31ème pays persécutant le plus les Chrétiens

« Les musulmans en général sont très respectueux des chrétiens étrangers mais, en même temps, très durs avec ceux d’entre nous qui ont abandonné l’islam, qu’on qualifie de traîtres », dénonce Hicham, chrétien et président d’une association de défense des droits de l’homme et des libertés, expliquant que « les chrétiens doivent prier en secret, de peur d’être accusés de prosélytisme, de briser la foi des musulmans ». Son association, qui n’est pas reconnue par les autorités, œuvre pour la reconnaissance des droits de toutes les minorités religieuses, y compris les musulmans chiites, ahmadis et ibadites.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Religion - Mohammed VI - Islam - Marocains chrétiens

Aller plus loin

L’appel des chrétiens marocains

La communauté chrétienne au Maroc a réitéré, à l’occasion de la célébration de la fête de Noël, sa demande d’abrogation de l’article 220 du Code pénal et de la dépénalisation du...

Jeux olympiques Paris 2024 : la controverse transgenre chez les chrétiens marocains

Les chrétiens marocains sont divisés au sujet de l’apparition de personnes transgenres simulant la Cène à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris vendredi. Alors...

Le Maroc, 31ème pays persécutant le plus les Chrétiens

Le Maroc détiendrait la 31ème position des pays qui persécuteraient le plus les Chrétiens dans le monde, selon un rapport de l’organisation américaine "Open Doors" pour la...

Sous Hassan II et Mohammed VI, la foi chrétienne protégée

Dans une interview, l’analyste géopolitique Jean-Baptiste Noé, assure que « le gouvernement marocain n’a jamais persécuté les chrétiens. »

Ces articles devraient vous intéresser :

Aïd al-Adha : la vente du mouton interdite au Maroc ?

Au Maroc, des mesures visant à empêcher des citoyens d’acheter des bêtes à sacrifier lors de l’Aïd al-Adha, ont été observées. Ils sont orientés vers l’abandon du sacrifice.

Ramadan et diabète : un mois sacré sous haute surveillance médicale

Le jeûne du Ramadan, pilier de l’islam, implique une abstinence de boire et de manger du lever au coucher du soleil. Si ce rite revêt une importance spirituelle majeure pour les fidèles, il n’en demeure pas moins une période à risque pour les personnes...

Latifa Raafat se confie sur sa relation avec le roi Hassan II

Latifa Raafat figure parmi les chanteurs préférés de feu Hassan II. La chanteuse marocaine se confie sur sa relation avec le père du roi Mohammed VI.

Le chanteur Ihab Amir au cœur d’une polémique

Une réponse du chanteur Ihab Amir à un de ses abonnés Instagram suscite la controverse au Maroc.

Aide au logement : gros succès auprès des MRE

Des Marocains résidant à l’étranger (MRE) figurent parmi les 8 500 bénéficiaires du nouveau programme d’aide au logement lancé par le roi Mohammed VI en octobre dernier.

Pourquoi l’annulation de l’Aïd révèle la crise sociale au Maroc

Le 26 février dernier, le roi Mohammed VI invitait les Marocains à s’abstenir de célébrer l’Aïd al-adha de cette année, prévue en juin. Un appel salué par les ménages à revenu faible et modeste pour qui le mouton est devenu un luxe inaccessible.

Voici les journalistes graciés par le roi Mohammed VI

À l’occasion de la fête du trône célébrée mardi, marquant son intronisation il y a 25 ans, le roi Mohammed VI a accordé sa grâce à 2476 personnes. Les journalistes Taoufik Bouachrine, Omar Radi et Souleimane Raissouni, ainsi que les activistes Reda...

Aïd al-Adha : les moutons bannis des souks au Maroc

Les autorités locales de plusieurs provinces et communes au Maroc ont interdit l’introduction de moutons et de chèvres dans les souks hebdomadaires. En d’autres termes, leur vente pour l’Aïd al-Adha

Le Maroc débutera le ramadan le mardi 12 mars

Le mois de Ramadan débutera bel et bien mardi 12 mars 2024 au Maroc. Le ministère des Habous et des Affaires islamiques l’a annoncé ce dimanche 10 mars, après l’observation du croissant lunaire.

Le roi Mohammed VI appelle à ne pas fêter l’Aïd al-Adha

Le Maroc fait face à une situation inédite. Dans un message adressé à la nation ce mercredi soir et lu par le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, sur la chaîne Al Oula, le Roi Mohammed VI, Commandeur des croyants, a exhorté...