La cour d’appel de Paris a tranché en faveur de Mohamed Amghar et condamné son ancien employeur, Intergraph France, au civil pour discrimination. L’homme a dû changer de prénom fin 1996, au terme du processus de son recrutement dans cette entreprise. « Et là, la personne qui allait être mon responsable, me demande de changer de prénom, de ne plus m’appeler Mohamed. Il y avait de la colère et de la honte », confie-t-il auprès du Parisien. C’est ainsi que Mohamed est devenu « Antoine » au travail. « Je suppose que mon supérieur hiérarchique pensait peut-être que s’adresser à des clients en tant que commercial, les appeler, prospecter, ne pouvait pas se faire sous le prénom de Mohamed […] C’est du racisme, de la discrimination. »
Et cela a duré 20 bonnes années : de 1997 à 2017. « La blessure est toujours là. C’est 20 ans d’une vie. 20 ans, c’est énorme ! », déclare celui qui était irréprochable dans son travail et avait une rémunération qui lui permettait de vivre décemment. Ses résultats professionnels exceptionnels lui ont valu plusieurs récompenses annuelles, des « Awards », qui portent toutes le prénom d’Antoine. « Si je garde tout ça, ce n’est pas pour me rappeler des bons souvenirs. Je me disais que peut-être, un jour, ça me servirait ». Mohamed a conservé toutes les preuves (cartes de visite, badges, fiches de paie, etc.) attestant qu’il se faisait appeler Antoine sur son lieu de travail.
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Après son départ d’Intergragh France en 2017, Mohamed Amghar décide de porter plainte contre son ancien employeur. Son avocate, Me Galina Elbaz, avait saisi l’entreprise en 2018 pour demander une réparation à l’amiable. En réponse, la direction de la société a indiqué qu’« on ne peut pas exclure que M. Amghar ait pu être à l’origine de ce prénom », affirmant ne pas connaître les raisons de ce changement de prénom. Mohamed saisit alors les prud’hommes. Après l’avoir débouté en 2022, le conseil lui donne raison début 2025. Une décision qui sera confirmée en appel.
« L’employeur admet lui-même l’usage ou l’ajout du prénom Antoine sur certains documents, fait qui n’est pas contestable […] La cour retient que l’employeur ne s’explique pas sur le fait ou les raisons de l’usage du prénom Antoine seul ou de façon adjointe dans certains documents internes à l’entreprise et n’établit pas que cette pratique procéderait d’une demande de M. Amghar », développe la cour d’appel dans son arrêt. En conséquence, la juridiction a condamné Intergraph France pour discrimination, harcèlement moral et violation de la vie privée et à verser environ 30 000 euros de dommages à Mohamed Amghar. « Ce n’est absolument pas dissuasif. Pour une société comme celle-là, qui est une société milliardaire, c’est peu. Ce n’est rien, en fait… », peste l’ancien employé.