Enfants de la drogue : l’autre visage de la Mocro Maffia

29 juillet 2024 - 10h00 - Monde - Ecrit par : S.A

Aux Pays-Bas, la mocro maffia et d’autres organisations criminelles ont placé de nombreux enfants de plusieurs origines notamment marocaine et turque sous leur férule pour les inciter à travailler pour eux dans le trafic de drogues.

« Je me fiche que le nom soit ‹Mocro Maffia›. Je vois des Albanais avec des passeports italiens, des Nord-Africains qui viennent d’Espagne, des Turcs, des citoyens britanniques, des Hollandais, des Irlandais… c’est l’image parfaite de la collaboration entre toutes les mafias du monde. L’intégration dans le crime est parfaite », fustige Ahmed Aboutaleb, maire de Rotterdam, 62 ans, auprès d’El Paìs. Ce sexagénaire et Ahmed Marcouch, 55 ans, ancien policier et maire d’Arnhem depuis 2017, tous deux nés au Maroc et sociaux-démocrates ont un point en commun : ce sont les deux édiles connus aux Pays-Bas pour avoir tenté de mettre un frein au recrutement de jeunes garçons dans les gangs. À l’opposé du discours plus permissif du maire d’Amsterdam, qui appelle à ouvrir le débat sur la régulation des drogues pour contrer les mafias, ils jouent eux la carte de la fermeté.

À lire :« Super-cartel » démantelé à Dubaï : probable extradition d’un MRE vers les Pays-Bas

Marcouch a une parfaite connaissance du terrain. « Quand j’étais policier à Amsterdam, on attrapait des trafiquants de 23 à 25 ans… mais aujourd’hui, on voit des jeunes de 12 et 13 ans trafiquer », souligne-t-il. À l’en croire, les communes et les pays ont des frontières, mais le crime organisé n’en a pas. « Et, quand on le qualifie d’organisé, c’est parce qu’il l’est, plus que le gouvernement en matière de lutte contre la criminalité », déplore l’édile d’Arnhem. Son collègue Aboutaleb renchérit : « Depuis 15 ans, le gouvernement néerlandais néglige ce problème, il n’est pas suffisamment prioritaire ». Rotterdam, qu’il dirige est une commune qui gravite autour du plus grand port d’Europe et compte plus de 600 000 habitants. « Je constate aujourd’hui que mes jeunes, les enfants des quartiers les plus vulnérables, sont embauchés par des criminels pour faire leur sale boulot. Nous les appelons les ’soldats de la rue’. Ils sont payés des milliers de dollars s’ils parviennent à transporter de grandes quantités de drogue. C’est pour cela que nous nous sommes mobilisés », ajoute-t-il.

À lire :La princesse Amalia des Pays-Bas menacée par la mafia marocaine

Un travailleur social connait le mode de recrutement des mafias. « D’abord, ils invitent [un enfant] chez un garçon plus âgé, où ils lui offrent de l’herbe et des jeux vidéo gratuits. Ensuite, ils l’utilisent pour leurs propres affaires : collecte, distribution, pose de bombes, coups de couteau, bagarres », explique-t-il. « Très vite, le changement est visible : ils commencent à porter des vêtements Gucci, des baskets cool, deux téléphones portables, de l’argent liquide. [Quand cela se produit], on sait déjà qu’ils ont été pris [dans une affaire criminelle] », explique Geke Kersten, directrice de l’école Leerpark à Arnhem.

À lire :La Mocro Maffia sème la terreur aux Pays-Bas et en Belgique

Face à l’incapacité du gouvernement de venir à bout du trafic de drogues, d’empêcher le recrutement des enfants par les mafias, l’édile d’Arnhem a déployé une myriade d’accompagnateurs de rue et de travailleurs sociaux dans les écoles et les centres-villes, pour connaître les quartiers de fond en comble. Ils peuvent ainsi prévenir les comportements antisociaux et réagir rapidement dès qu’ils en constatent les signes. Pour protéger les jeunes, « il faut lutter [agressivement contre la criminalité], mais il faut aussi investir dans l’éducation, dans les facteurs socio-économiques qui les influencent, pour qu’ils ne finissent pas [dans un mauvais endroit] », recommande Marcouch. De son côté, Aboutaleb essaie de faire bouger les lignes avec ses collègues des grandes villes portuaires comme Anvers et Hambourg. Il s’est rendu dans plusieurs pays d’Amérique latine pour tenter de trouver des solutions. Actuellement, l’édile de Rotterdam mène une initiative auprès de l’Union européenne pour tenter de stopper le trafic dans les pays d’origine de la drogue.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Pays-Bas - Drogues - Turquie - Enfant - Trafic - Mocro Maffia

Aller plus loin

La Mocro Maffia, une « invention politique » ?

L’ancien patron du Parti Authenticité et Modernité (PAM) et ex-président de la région Tanger-Tétouan, Ilyas Omari, a récemment affirmé que la Mocro Maffia est une « construction...

Vague de violence en Belgique et aux Pays-Bas après le match Maroc-Belgique

Des émeutes ont éclaté dimanche dans le centre de Bruxelles et dans certaines villes belges et néerlandaises après la défaite de la Belgique contre le Maroc à la Coupe du monde...

La Mocro Maffia sème la terreur aux Pays-Bas et en Belgique

Très active dans le trafic de cocaïne aux Pays-Bas et en Belgique où la marchandise arrive par tonnes dans les ports d’Anvers et de Rotterdam, la « Mocro Maffia », la mafia...

« Super-cartel » démantelé à Dubaï : probable extradition d’un MRE vers les Pays-Bas

Une vaste opération internationale a permis de démanteler un « super-cartel » de la drogue, actif en Europe. En tout, 49 suspects – dont un Néerlandais d’origine marocaine qui...

Ces articles devraient vous intéresser :

Au Maroc, les hommes font du baby-sitting, et ça ne plaît pas à tout le monde

Outre les femmes, les hommes proposent eux aussi des services de baby-sitting via des applications. De quoi inquiéter bon nombre d’internautes marocains qui s’interrogent sur la protection de l’enfance et la légitimité de ces services.

Alerte sur les erreurs d’enregistrement des nouveaux-nés au Maroc

L’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH) a alerté le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, au sujet du non-enregistrement des nouveau-nés à leur lieu de naissance, l’invitant à trouver une solution définitive à ce problème.

Quand la rentrée scolaire pousse les Marocains à l’endettement

L’approche de la rentrée scolaire et la fin des vacances d’été riment souvent avec le recours aux prêts bancaires devant permettre aux parents marocains de subvenir aux besoins de leurs enfants. Et, les banques se livrent une concurrence très forte.

Tourisme au Maroc : une saison estivale en demi-teinte

À l’heure où les Marocains résidant à l’étranger (MRE) retournent dans leurs pays d’accueil, les familles marocaines rejoignent leurs villes de résidence, pour préparer la rentrée scolaire de leurs enfants, les professionnels du tourisme font le bilan...

Booder : « cet enfant ne passera pas l’hiver »

L’humoriste franco-marocain Booder dont le troisième épisode de sa série Le Nounou est actuellement diffusé sur TF1 se confie sur son début de vie pas facile.

Samira Saïd : la retraite ?

La chanteuse marocaine Samira Saïd, dans une récente déclaration, a fait des confidences sur sa vie privée et professionnelle, révélant ne pas avoir peur de vieillir et avoir pensé à prendre sa retraite.

Hiba Abouk et Achraf Hakimi se retrouvent à Madrid

Un an et demi après leur divorce, Hiba Abouk et Achraf Hakimi ont été vus mardi à Madrid, en compagnie de leurs enfants, Amin et Naim.

Maroc : une école mise en vente avec ses élèves ?

Au Maroc, un agent immobilier se retrouve malgré lui au cœur d’une polémique après avoir publié une annonce de vente d’une école privée en incluant les élèves.

Booder se confie sur ses problèmes de santé

Invité sur l’émission Une heure avec… diffusée sur RFM, l’humoriste franco-marocain Booder a fait d’étonnantes révélations sur son enfance. Il a été très malade lorsqu’il était jeune.

Au Maroc, les élèves fêtent la fin d’année scolaire en déchirant leurs cahiers

Au Maroc, des scènes des élèves déchirant leurs cahiers et livres pour annoncer la fin de l’année scolaire, se sont reproduites.