Nouvelle taxe de Trump : quel impact sur l’économie marocaine ?

5 avril 2025 - 22h00 - Economie - Ecrit par : S.A

Alors qu’un accord de libre-échange lie le Maroc et les États-Unis depuis 2004, l’administration Trump impose un droit de douane de 10 % sur les exportations marocaines, laquelle entre en vigueur dès ce samedi 5 avril. Cette décision américaine ne sera pas sans conséquence sur la balance commerciale.

« Il est clair que cette décision américaine de taxer à hauteur de 10 % certains produits importés ne relève pas uniquement d’un ajustement commercial. C’est un signal fort, qui annonce un virage protectionniste plus assumé et plus structuré dans la politique commerciale américaine. Le Maroc, comme d’autres pays, se trouve confronté à une nouvelle donne », analyse l’économiste Marouane Hatim, membre de l’Association des économistes québécois et chercheur à l’Université de Montréal, dans une interview accordée au Matin. Il cite les secteurs marocains qui sont les plus concernés par cette taxe américaine : « Dans ce contexte, plusieurs secteurs marocains apparaissent comme vulnérables. Le secteur des engrais, tout d’abord, un pilier de notre commerce extérieur avec les États-Unis, en lien avec nos ressources en phosphates. Les agrumes et produits agroalimentaires suivent, avec une forte présence sur le marché américain, ainsi que des secteurs comme le textile et les technologies intermédiaires, notamment les semi-conducteurs. »

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Selon l’économiste, pour limiter l’impact, il ne faut pas se contenter de réactions techniques. Le Maroc doit repenser en profondeur son positionnement : « réduire nos coûts là où c’est possible, viser une montée en gamme, proposer des produits à plus forte valeur ajoutée, et surtout nous adapter aux exigences spécifiques du consommateur américain, qui, rappelons-le, reste dépendant de certains types d’importations. Mais l’essentiel reste ailleurs : il faut diversifier nos marchés. » Il explique qu’il « ne s’agit plus d’une simple option stratégique, c’est un impératif de résilience ». Il ajoutera : « Et dans ce redéploiement, l’Afrique et l’Asie sont des zones de croissance évidentes. On doit les aborder non pas comme des alternatives de second rang, mais comme des priorités structurantes. »

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La décision américaine signe-t-elle la fin de l’accord de libre-échange Maroc-États-Unis ? « Cette décision questionne profondément la valeur réelle de l’accord de libre-échange que le Maroc a signé avec les États-Unis en 2004. Quand un accord devient unilatéralement modifiable, sans consultation ni préavis, on en voit les limites. Ceci dit, il ne s’agit pas forcément de rompre ou d’abandonner cet accord. Il faut plutôt envisager une renégociation intelligente, dans un cadre diplomatique collectif, car plusieurs pays seront concernés, pas uniquement le Maroc », commente l’économiste. Il pense qu’en parallèle, le gouvernement marocain a un rôle fondamental à jouer. Il s’agit de mettre en place un filet de sécurité économique pour les entreprises exportatrices, d’assurer une veille stratégique pour anticiper les reconfigurations sectorielles et, surtout, d’agir pour faire du Maroc un hub régional de production et de commerce.

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« Ce changement brutal des règles doit être une occasion de réinventer notre modèle d’intégration économique internationale, est convaincu l’universitaire. Il ne s’agit pas de résister passivement, mais de s’adapter activement et intelligemment ». Quid de l’impact sur la balance commerciale ? « Les effets ne seront pas nécessairement immédiats, mais ils seront profonds », estime l’économiste. Il explique : « Ce n’est pas tant la taxe en elle-même qui posera problème, mais plutôt le contexte de ralentissement global qu’elle provoque ou accentue : recul de la demande mondiale, chute des prix des matières premières, baisse des commandes, etc. Cela peut affecter lourdement notre balance commerciale, en particulier dans des secteurs comme les mines, l’automobile ou la chimie. »

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La décision américaine peut être porteuse d’opportunités. « Mais dans chaque crise se cache aussi une opportunité. Le Maroc dispose d’un avantage stratégique majeur : son ancrage africain. Aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de diversifier, mais d’intensifier une diplomatie commerciale offensive. De nombreux pays chercheront à sortir de la dépendance américaine et à s’implanter ailleurs : nous devons leur proposer le Maroc comme plateforme. », analyse-t-il encore. L’économiste poursuit : « Pas simplement comme un marché, mais comme un point d’entrée vers l’Afrique, avec ses 1,4 milliard d’habitants, son dynamisme démographique, ses besoins massifs en infrastructures et produits. Nous avons les atouts : une infrastructure de qualité, une stabilité politique, une expérience africaine précieuse et une reconnaissance croissante à l’international. Il faut maintenant transformer ces conditions favorables en avantages compétitifs concrets.

Et de conclure : « Certes, cette décision américaine est une alerte, mais elle peut aussi être un déclencheur positif, si le Maroc choisit d’agir avec lucidité, anticipation et ambition. »

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