Des médecins maghrébins en France arnaqués ?

28 juillet 2025 - 18h00 - France - Ecrit par : S.A

En Seine-et-Marne, 50 médecins dont 30 sont étrangers sont sommés de rembourser des primes versées par leur employeur, le Grand hôpital d’Est francilien (Ghef), qui gère les hôpitaux de Meaux, Jossigny et Coulommiers.

Sandrine*, médecin à l’hôpital de Jossigny et de Coulommiers (Seine-et-Marne), éprouve du dépit, après avoir reçu, par voie recommandée avec accusée de réception, un courrier lui demandant de rembourser les primes versées par son employeur, le Grand hôpital d’Est francilien (Ghef), qui gère les hôpitaux de Meaux, Jossigny et Coulommiers. Faisant partie des médecins, notamment des praticiens associés diplômés hors Union européenne (PADHUE), recrutés par le Ghef qui avait mis en place une prime pour les attirer afin de pallier la pénurie des médecins dans le département, elle percevait une indemnité supplémentaire à son salaire, fait savoir Actu.fr.

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Sandrine était médecin généraliste au Maroc. Elle est arrivée en France il y a deux ans. « J’étais cheffe d’urgence au Maroc. J’étais payée 2 500 à 3 000 euros par mois. En France, on m’a proposé un salaire de 4 000 euros. J’ai donc accepté en me disant que j’allais découvrir un autre système de santé et découvrir Paris aussi », raconte-t-elle. À son arrivée, elle a enchaîné les services. Tout allait bien jusqu’en décembre 2024 quand la jeune femme de 29 ans reçoit une notification lui signifiant l’arrêt de versement de la prime. « Je passe d’un salaire de 4 000 à 1 500 € », s’offusque-t-elle.

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En avril, le Chef lui envoie un courrier recommandé et lui demande de rembourser les primes « indûment perçues » de ces 24 derniers mois. Au total, elle doit rembourser 60 000 €. « Ironie du sort, je reçois le courrier, le 1ᵉʳ avril. Au début, je croyais que c’était un poisson d’avril tellement c’était impensable », se remémore-t-elle. 49 autres médecins salariés, répartis sur les trois sites de l’établissement, se retrouvent dans la même situation. L’hôpital réclame entre 30 000 et 100 000 euros par praticien, soit un total de 2,7 millions d’euros.

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Sandrine fait face à l’incompréhension et en souffre psychologiquement. « J’ai plusieurs collègues qui se sont mis en arrêt. Personnellement, je ne peux pas me le permettre. Je ne sens trahie. Beaucoup de mes collègues ont pensé à contracter un crédit pour rembourser cette somme avant qu’on se dise qu’on y est pour rien ». La jeune femme et ses collègues se tournent vers le syndicat CGT pour contester cette décision. « Je n’ai jamais négocié mon salaire. Ce sont eux qui me l’ont proposé, c’était écrit sur mon contrat de travail. On a bossé pour cet argent. C’est l’hôpital qui doit cet argent au Trésor public, pas nous ».

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30 praticiens étrangers figurent parmi les 50 médecins concernés par cette demande de remboursement. De même, 80 praticiens étrangers font partie des 900 médecins exerçant au Ghef. « Si tous les médecins étrangers partaient, un site comme Coulommiers pourrait fermer. Cette situation met en danger les Seine-et-Marnais dans l’offre de santé », affirme Catherine Dos Santos, secrétaire adjointe à la CGT, représentante du personnel au Ghef, affectée à Jossigny. Les médecins attendent de recevoir le titre de recette du Trésor public pour entamer des démarches judiciaires.

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Cette affaire préoccupe des parlementaires. Dans une correspondance adressée au ministre délégué à la Santé, Yannick Neuder, et plus récemment au directeur général du Ghef, Jérôme Goeminne, deux députés de Seine-et-Marne, Ersilia Soudais (LFI) et Céline Thiébault-Martinez (PS), réclament l’annulation des demandes de remboursement des primes versées aux médecins. « Quelle personne pourra accepter de travailler pour un employeur public, si on la menace de solliciter un remboursement de primes inscrites dans un contrat a posteriori ? » écrit la députée socialiste dans son courrier adressé le 25 juillet 2025 à la direction de l’hôpital. Quelques semaines plus tôt, la députée LFI « s’offusquait de ne pas voir le département de Seine-et-Marne parmi les déserts médicaux nécessitant des renforts de professionnels de santé. »

Jointe par La Marne, la direction du Ghef assure ne faire qu’appliquer que les lois en vigueur. « En application de la loi et en accord avec les responsables médicaux, tous les éléments de paie irréguliers ont été arrêtés en plusieurs étapes entre septembre 2024 et mars 2025. Cependant, en application de la loi, le Trésor Public demande que les praticiens concernés remboursent les sommes qu’ils ont perçues à tort ».

*Prénom modifié

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