Démarchage interdit en France : le Maroc redoute une vague de licenciements

24 mai 2025 - 15h00 - Maroc - Ecrit par : P. A

Le Parlement français vient de voter une loi interdisant le démarchage téléphonique. La mesure, qui entrera en vigueur en août 2026, est un coup dur pour le secteur des centres d’appels au Maroc qui tire l’essentiel de ses revenus du marché français. Des milliers d’emplois sont menacés.

« Le marché français représente historiquement plus de 80 % de l’activité des centres de relation client offshore au Maroc, en termes de chiffre d’affaires. Toutefois, le segment spécifique du démarchage téléphonique (ou “télémarketing sortant”) ne représente aujourd’hui plus que 15 à 20 % de l’activité totale du secteur. La majorité de la valeur créée provient désormais de services à plus forte valeur ajoutée : service client, support technique, back-office, modération, etc. », a déclaré auprès du journal Le Matin, Youssef Chraïbi, président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services (FMES).

Pour le responsable, cette mesure est un choc pour les centres d’appels marocains, notamment ceux qui dépendent du démarchage téléphonique. « Les structures les plus vulnérables sont les petites entités peu diversifiées, souvent mono-client ou mono-activité télémarketing, qui n’ont pas pu se repositionner en outsourceur généraliste. Pour elles, cette interdiction risque de provoquer une chute brutale de leur volume d’activité, pouvant aller jusqu’à la fermeture. Le risque est donc double : social, avec des pertes d’emplois et réputationnel, si des pratiques non conformes persistent dans certains segments. Cela dit, le secteur essentiellement dominé par des gros acteurs pesant plus de 75 % de l’activité dans son ensemble a déjà entamé depuis plusieurs années une transition vers des services à plus forte valeur ajoutée et plus conformes aux réglementations internationales ».

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La mesure pourrait également affecter « à court terme » les centres spécialisés dans le cold calling, « surtout ceux qui travaillaient avec peu de garde-fous éthiques ou juridiques », explique Chraïbi, ajoutant qu’« à moyen terme, cette contraction est aussi une opportunité pour accélérer la montée en gamme du secteur. La reconversion vers des activités conformes, comme la relation client multicanale ou les prestations BPO spécialisées, est non seulement possible, mais qui a déjà eu lieu chez les acteurs structurés qui ont su accompagner cette transition, notamment via des dispositifs de formation et de reconversion. »

Des mesures concrètes sont prévues pour atténuer les effets de cette interdiction, assure le professionnel : « Le sujet est suivi de très près à travers le partenariat étroit entre la FMES et le SP2C (Syndicat des Professionnels des Centres de Contacts), notre fédération sœur en France, avec laquelle nous partageons de nombreux membres communs. Le SP2C joue un rôle de représentation directe auprès des autorités françaises et a déjà engagé des échanges avec les régulateurs pour s’assurer que l’application de la réglementation reste équilibrée et pragmatique. Ce lien structurel entre nos deux fédérations permet de défendre les intérêts du secteur dans les deux pays, et proposer des solutions constructives. Des concertations plus formelles sont attendues dans les mois à venir, et la FMES se tient prête à accompagner les ajustements nécessaires du côté marocain ».

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Le président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services a en outre soutenu que l’intelligence artificielle (IA) « est une opportunité stratégique, mais elle ne se substitue pas directement à l’humain dans tous les cas, surtout pas dans un modèle à bas coût axé sur le volume. Pour les structures les moins structurées, l’IA ne pourra pas être une solution à court terme sans investissements dans la formation, l’infrastructure et l’accompagnement technique. En revanche, pour les acteurs leaders, l’IA devient déjà un levier pour améliorer la productivité, le traitement automatisé des demandes simples, et la personnalisation de la relation client. Il ne faut pas opposer IA et humain : c’est l’hybridation intelligente qui fera la différence ».

Pour préserver l’équilibre du secteur au Maroc, il recommande de « cartographier les risques (identifier les structures les plus exposées, les accompagner individuellement), renforcer les dispositifs de reconversion (avec des programmes publics et privés de formation vers les métiers de l’IA, du digital, ou du support client multilingue), stimuler l’investissement dans la technologie via des incitations fiscales et des partenariats public-privé pour moderniser les infrastructures, et surtout d’accélérer la montée en compétence des talents pour capter les nouveaux métiers générés par l’IA, l’analyse de données ou encore le training des modèles IA ».

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